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système actuel de nos chemins de fer ; car ce poids excessif de la locomotive exige une solidité extraordinaire dans les constructions de la voie, et conduit à ce résultat, anti-économique et anti-mécanique, de donner au moteur le quart, et quelquefois la moitié, du poids qu’il doit entraîner.

Il paraît que dès l’année 1830, ce système était breveté en Angleterre, au nom de MM. Ericsson, l’inventeur de la machine à air chaud, et Vignole, l’ingénieur anglais à qui l’on doit l’invention du rail qui porte son nom.

En 1840, un autre brevet fut accordé, pour la même application, à un autre ingénieur anglais, M. Pinkus.

Au mois de décembre 1843, M. le baron Séguier entretint, pour la première fois, notre Académie des sciences, du système du rail central, qu’il ne voulait point restreindre aux fortes pentes, mais qu’il proposait d’étendre aux grandes lignes ordinaires, même dans le cas des grandes vitesses.

M. Séguier fit breveter ce système en 1846, et il est revenu assez souvent, depuis cette époque, sur cette invention devant l’Académie des sciences.

M. le baron Séguier a raconté, dans une communication faite à l’Académie des sciences, le 26 mars 1866, que l’empereur Napoléon III, qui s’intéresse particulièrement à ce système, caractérisa « par une comparaison juste et spirituelle » les chemins de fer actuels comparés à la méthode du rail central.

« Permettez-moi, dit M. le baron Séguier, dans sa communication récente à l’Académie, de répéter dans cette enceinte, une comparaison juste et spirituelle, tombée dans notre oreille d’une bouche auguste :

« Les convois sur les chemins de fer, nous disait-elle dans un langage figuré, ressemblent au défilé d’un troupeau de moutons précédé d’un éléphant ; or, pour faire passer l’éléphant, il faut une solidité de voie qui serait inutile si un simple bélier marchait en tête. L’essieu moteur de la locomotive porte environ 18 tonnes, les essieux des wagons qui la suivent ne supportent que le tiers de cette charge ; le passage de la locomotive exige donc seul un échantillon de rail plus fort que celui nécessaire à la circulation des wagons, et tous les travaux d’art de la voie doivent satisfaire au passage de l’éléphant ! »

Il paraît que M. le baron Séguier répondit à l’Empereur :

« Sire ! il ne faudrait pas même un bélier en tête du troupeau ; il suffirait d’une modeste brebis. »

Cette modeste brebis, c’est une machine à vapeur serrant les petites roues motrices contre le rail médian.

Dans la même communication faite à l’Académie des sciences, M. le baron Séguier met parfaitement en lumière les avantages de ce système. Nous le laisserons donc parler.

« Avec notre système de traction par laminage, dit M. Séguier, nos roues motrices horizontales étant serrées contre le rail intermédiaire par la seule résistance du convoi, le poids de la locomotive ne joue plus aucun rôle pour l’adhérence ; il peut dès lors être strictement réduit à celui des organes indispensables à la production de la force motrice. C’est ainsi que, composant notre moteur d’une puissante chaudière à double foyer en tôle d’acier, du poids de 18 tonnes, portée sur une plate-forme à trois essieux, et d’un mécanisme à quatre cylindres pesant 12 tonnes, destinés à faire tourner nos roues motrices horizontales, installées elles-mêmes dans un bâti supporté par deux essieux, nous arrivons très-facilement à n’imposer à chacun des cinq essieux soutenant sur les rails la masse totale de 30 tonnes de notre moteur complet, qu’une charge de 6 tonnes, c’est-à-dire celle-là même qui pèse habituellement sur chacun des essieux des wagons de marchandises.

« La séparation sur les cinq essieux du moteur rendue possible par notre système, réalise sans exception, l’uniformité du chargement maximum de 6 tonnes ordinairement usitée pour les essieux des wagons des chemins de fer ; dès lors l’échantillon des rails, calculé aujourd’hui en vue du passage d’essieux moteurs chargés de 14 à 18 tonnes, pourrait être réduit sans inconvénient.

« Ce ne serait pas le seul avantage offert par cette installation séparée du générateur de vapeur et du mécanisme de traction sur des supports distincts ; ce genre de construction permet de désunir rapidement la chaudière et le moteur. Il apportera dans le matériel des locomotives une simplification et une économie de plus d’une sorte ; une même chaudière pourra faire le service de trois appareils de traction. Détachée d’un mécanisme qui vient de fonctionner,