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contre lequel ils furent tous écrasés, comme chair à pâté, avec tout ce qui s’y trouvait. Hâtons-nous d’ajouter que les wagons renfermaient uniquement des bestiaux, dont le trépas ne fut qu’anticipé.

Disons, en passant, qu’il faut porter une attention sévère sur la garde des bestiaux qui errent dans les environs des chemins de fer, ou qui sont placés dans les wagons. Sur le chemin de Hambourg, un cheval, mal attaché dans le wagon, tomba sur la voie, et fit dérailler le train.

Pour prévenir ou atténuer les accidents qui peuvent survenir au milieu du trajet, on a regretté pendant de longues années que les voyageurs fussent privés du moyen de donner eux-mêmes le signal d’arrêt, ou tout au moins de communiquer promptement avec le conducteur du train, pour l’informer de l’accident ou de l’obstacle survenu pendant la marche. Les compagnies s’étaient refusées, jusqu’à ces derniers temps, à accorder aux voyageurs ce bien simple avantage, qui, souvent, aurait suffi pour empêcher un accident.

Il a fallu toute une série d’événements fâcheux signalés par la presse, et surtout deux meurtres épouvantables commis en chemin de fer, l’un en France, l’autre en Angleterre, pour amener les compagnies à placer dans les voitures, une sonnette d’appel, véritable télégraphe électrique, qui permet aux voyageurs de prévenir le chef de train, et de lui apprendre que sa présence est réclamée dans un wagon désigné.

On sait que le juge Poinsot fut assassiné, en 1861, dans une voiture du chemin de fer de Paris à Mulhouse et que ce crime est resté impuni.

Tout le monde connaît aussi le meurtre de M. Bright, assassiné dans une voiture du chemin de fer de ceinture, aux portes de Londres, par un homme qui s’échappa, après le crime commis, en sautant sur la voie.

Ces deux événements prouvent que les compagnies de chemin de fer avaient tort de refuser aux voyageurs le moyen de communiquer, pendant la marche, soit entre eux, soit avec le conducteur.

Le moyen d’établir cette communication était, d’ailleurs, fort simple. Il suffisait de mettre, dans chaque voiture, une sonnette électrique à la disposition des voyageurs.

Cette idée était si naturelle, qu’elle était venue à tous les hommes de l’art. Un de mes amis, qui en avait jugé autrement, et qui avait pris cette idée pour un trait de génie personnel, fut victime de son erreur. Je m’explique.

Au moment où l’assassinat de M. Poinsot occupait et inquiétait tous les esprits en France, et où la question de mettre les voyageurs à l’abri d’un tel danger, en leur donnant le moyen de correspondre avec le chef de train, était partout à l’ordre du jour, je vis arriver chez moi un de mes amis, André de Goy.

André de Goy s’occupait de littérature, de traductions, de romans et de théâtre.

« J’ai une idée superbe, me dit-il, en entrant d’un air radieux, une idée qui va faire ma fortune !

— C’est sans doute, répondis-je, une idée de comédie ou de drame. »

André de Goy haussa les épaules.

« De roman, alors.

— Ni l’un ni l’autre, mon cher. Une idée de physique ! »

Je regardai avec étonnement mon visiteur. Je connaissais de lui de charmants vaudevilles, entre autres, Monsieur va au cercle ; des livres amusants comme les Aventures sur terre et sur mer, et d’excellentes traductions de romans anglais ; mais j’ignorais qu’il cultivât la physique, et marchât sur les traces des Gay-Lussac et des Regnault.

André de Goy m’expliqua alors son idée. Il avait imaginé d’appliquer les sonnettes électriques aux voitures de chemin de fer ; c’est-à-dire qu’il lui était venu à l’esprit un projet que les hommes de l’art avaient déjà