Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/36

Cette page a été validée par deux contributeurs.

naissance entre ses mains à la découverte du baromètre.

Fig. 16. — Torricelli.

Les fontainiers du grand-duc de Florence avaient construit, pour amener l’eau dans le palais ducal, des pompes aspirantes dont le tuyau dépassait quarante pieds (12m,99) de hauteur. Quand on voulut les mettre en jeu, l’eau refusa de s’élever jusqu’à l’extrémité du tuyau. Galilée, consulté sur ce fait, mesura la hauteur à laquelle s’arrêtait la colonne d’eau, et la trouva d’environ trente-deux pieds (10m,395). Il apprit alors des ouvriers employés à ce travail, que ce phénomène était constant, et que l’eau ne s’élevait jamais, dans les pompes aspirantes, à une hauteur supérieure à trente-deux pieds.

L’ascension de l’eau dans les pompes s’expliquait alors par le principe de l’horreur du vide, axiome célèbre de la scolastique. La nature, disait-on, n’admettait que le plein, et comme elle ne pouvait souffrir le vide qui se serait trouvé entre le piston soulevé et le niveau de l’eau, celle-ci était forcée de suivre le piston dans son ascension.

Galilée ne sut pas s’affranchir de l’absurde opinion des physiciens de son temps. Il crut seulement pouvoir expliquer le fait de l’horreur du vide limitée à trente-deux pieds, en disant que la longueur d’une colonne d’eau de trente-deux pieds produisait un poids trop considérable pour que la base de la colonne liquide pût le supporter. Il comparait ce phénomène à celui que présente une corde horizontale tendue à ses deux extrémités, et qui, à une certaine longueur, finit par se rompre, parce qu’elle ne peut plus supporter son propre poids[1].

Cependant, Galilée savait déjà, par des expériences qu’il avait faites lui-même en 1638, et dont il parle dans ses Dialogues, que l’air est pesant. Il avait constaté qu’une sphère creuse augmente de poids quand on y fait entrer de l’air comprimé. Mais il manqua d’initiative dans cette circonstance, et ne recula pas devant l’absurdité de cette conception : que la nature a horreur du vide jusqu’à trente-deux pieds seulement. Ne dirait-on pas, en réfléchissant sur ces faits, que Galilée était fasciné par le charme du préjugé antique ?

Ce fut Torricelli qui, méditant sur l’expérience des fontainiers florentins, en soupçonna la véritable explication.

Du reste, la découverte de la pesanteur de l’air était mûre. Avant même que Galilée eût exécuté son expérience de la boule pleine d’air comprimé, un pharmacien français, Jean Rey, avait démontré par la voie de la chimie, que l’air est un fluide pesant. Voici, en effet, ce que dit Jean Rey dans un opuscule publié à Bazas, en 1630, sous ce titre : Essays sur la recherche de la cause pour laquelle l’estain et le plomb augmentent de poids quand on les calcine.

« Adoncques, je soustiens glorieusement que ce surcroît de poids vient de l’air, qui dans le vase a été espessi, appesanti et rendu aucunement adhésif

  1. Dialoghi di Galileo (Opere di Galileo Galilei, t. II, p. 489).