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des trépidations causées par les piétons, que par le passage d’un convoi de chemin de fer. Selon M. Rœbling, un train pesant, lancé à la vitesse de 36 kilomètres par heure, occasionne beaucoup moins d’ébranlement, que vingt grosses têtes de bétail passant au trot. Les cortéges publics, marchant au son de la musique, ou des compagnies de soldats, qui s’avancent au pas en cadence, produisent un effet pire encore. Aussi les troupeaux de bestiaux doivent-ils être divisés en groupes de vingt têtes au plus, et l’on n’admet pas au delà de trois groupes à la fois sur le pont. Quand un régiment en marche se présente pour franchir un pont suspendu, on fait rompre les rangs, et les hommes ne passent que par petits groupes séparés.

Les ponts tournants se rencontrent encore assez fréquemment sur les chemins de fer belges. On en voit quelques-uns en Amérique, en Angleterre et en France, mais ils sont dangereux, et constituent une grave cause d’accidents.


Nous ne terminerons pas ce chapitre relatif aux œuvres d’art sans dire un mot des gares, qui appartiennent à la catégorie des constructions accessoires.

La disposition, aussi bien que l’étendue des gares, exerce une grande influence sur les manœuvres, et rend, par suite, l’exploitation plus ou moins commode. On s’est aperçu trop tard, sur un grand nombre de nos lignes, que la construction des gares n’avait pas été suffisamment étudiée, parce que les architectes étaient alors étrangers aux besoins de l’exploitation. C’est, du reste, ce qui est arrivé pour bien d’autres édifices consacrés à la science ou à l’industrie, et en présence desquels nos architectes se trouvent dépourvus des lumières spéciales qu’exigeraient ces travaux.

Quant à la partie décorative et architecturale des gares, il est à remarquer que les gares françaises se distinguent par un style heureux et de bon goût. En Allemagne, au contraire, on rencontre un genre bâtard, où les ogives et les tours crénelées du moyen âge jouent le rôle principal, et en Angleterre l’œil est surpris par de lourdes imitations des portiques et colonnades de la Grèce. On a eu le bon goût en France, d’éviter cet inutile anachronisme de l’art.



CHAPITRE X

disposition des voies de fer.

Après avoir décrit, en détail, le tracé de la voie et les travaux préliminaires auxquels donne lieu la construction des chemins de fer, nous allons entrer dans quelques explications au sujet des voies ferrées elles-mêmes, dont l’établissement pratique soulève une foule de problèmes.

On sait que l’effort qu’il faut exercer pour traîner une voiture sur une route quelconque, est d’autant moindre que la surface de cette route est plus dure et plus unie. C’est pour cette raison que les anciens Romains attachaient une si grande importance à l’établissement de la chaussée de leurs routes. On trouve encore de nos jours, des portions de voies romaines, qui ont résisté aux injures du temps, et qui comptent une durée de dix-sept siècles. Ces routes, éternelles, pour ainsi dire, étaient formées d’amas de cailloux, cimentés avec de la chaux, jusqu’à la profondeur de 4 mètres. Ce mélange se transformait bientôt en une masse dure et aussi résistante que le marbre. Souvent on recouvrait la chaussée ainsi préparée, de grandes dalles de pierre de taille. Ainsi était disposée la via Appiana et la via Flaminia. D’autres fois, des dalles de lave volcanique recouvraient la voie, comme on le reconnaît encore dans plusieurs parties des restes du Forum de Rome.

Fait remarquable ! Les écrivains latins appellaient les routes ainsi préparées : chemins de fer (viæ ferreæ). Ce n’était là, assurément, qu’une métaphore ; mais la métaphore