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usage de cintres ni d’échafaudages pour la construction du pont. C’était mettre les ingénieurs, littéralement, au pied du mur.

Robert Stephenson ne fut pas longtemps embarrassé par ces difficultés. Il commença par faire construire, sur un rocher situé au milieu du détroit, une tour élevée de 50 mètres ; puis, sur chaque rive, une tour un peu moins élevée, distante de 140 mètres de la tour moyenne ; enfin à 70 mètres en arrière de ces deux piles extrêmes, deux culées, adossées aux levées d’Anglesey et de Carnarwon. Alors quatre tubes de fer laminé, longs chacun de 144 mètres, hauts de 9 mètres et larges de 4m,50, furent amenés sur des radeaux entre les trois piles, au-dessous de l’emplacement qu’ils devaient occuper, et hissés jusqu’au sommet des tours, au moyen de presses hydrauliques mues par la vapeur et placées sur les tours.

Chacun de ces tubes pèse 1 800 tonnes. C’est près de 2 millions de kilogrammes, qu’il fallut monter à plus de 30 mètres de hauteur !

La pile du milieu fut ainsi reliée, par deux tubes parallèles, offrant ensemble une largeur de 9 mètres, avec chacune des piles extrêmes. Les tubes de 70 mètres furent construits en place, sur des échafaudages, et réunis aux grands tubes, au moyen de tubes de raccord. De cette façon, chaque moitié du pont se compose d’une immense poutre creuse de 460 mètres de longueur, fixée sur la pile centrale, et reposant librement sur les deux piles de rive et sur les culées. Chacune de ces deux poutres pèse 5 400 tonnes. Leurs poids réunis donnent, par conséquent, près de 11 millions de kilogrammes. On a calculé que le poids seul des clous qui ont servi à assembler les feuilles de tôle, est de 900 tonnes.

Le pont de Menai a coûté 15 millions.

Quant au pont de Conway, qui relie l’île d’Anglesey à Holyhead, les deux poutres parallèles, longues de 122 mètres entre leurs deux culées, ne sont supportées en aucun point intermédiaire ; elles pèsent chacune 1 130 tonnes.

Il y a quelques années, Stephenson et Ross ont construit, sur le fleuve Saint-Laurent, un immense pont tubulaire, qui donne passage au chemin de fer de New-York au Canada, et qui a reçu le nom de Pont Victoria. D’une longueur totale de 2 740 mètres, il offre vingt-cinq travées, d’une portée qui s’accroît depuis 74 jusqu’à 100 mètres, en allant des culées vers les piles du milieu. En même temps, les piles augmentent d’épaisseur, et la hauteur du tube s’accroît dans une proportion semblable ; au centre, elle est d’un peu moins de 7 mètres. Le plancher du tube se trouve à 18 mètres au-dessus de l’étiage. Le poids total du fer employé à la construction de cet ouvrage cyclopéen, dépasse 10 000 tonnes.

Le passage des convois dans le pont Victoria a lieu ordinairement en quatre minutes, ce qui correspond à une vitesse moyenne de 40 kilomètres par heure. Mais les ingénieurs ne doutent pas qu’on ne puisse circuler dans ces tubes, sans aucun danger, à des vitesses beaucoup plus considérables. La confiance qu’inspire leur solidité est sans réserve.

De tous les ponts tubulaires construits en France, nous ne citerons que le pont de Mâcon, sur la Saône, dont les piles, entièrement en fonte, reposent sur des fondations de béton et de maçonnerie, qui ont été construites sous l’eau, à l’aide de l’air comprimé, d’après le système de fondations tubulaires, alors nouveau en France.

Quand les montants latéraux et le plafond sont évidés, le pont tubulaire devient un pont treillissé. Tels sont les célèbres ponts de Kehl sur le Rhin (fig. 171) ; de Bordeaux, sur la Gironde ; de Dirschan, sur la Vistule ; d’Offenbourg, sur la Kinzig (chemins de fer badois), etc.

Le grand pont qui relie, entre Kehl et Strasbourg, le réseau des chemins de fer de L’Est français aux chemins badois, et qui a été livré à la circulation en 1861, a une lon-