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L’ingénieur, chargé d’étudier un projet nouveau, devra, s’il comprend ses obligations, chercher, d’une part, à faire disparaître, autant que possible, les inégalités du sol, au moyen de tranchées, de souterrains, de remblais et de ponts ; d’autre part, à proportionner les dépenses occasionnées par les ouvrages d’art, aux produits futurs de la ligne, et à son importance probable sous les rapports politique, commercial et stratégique. S’il s’agit, par exemple, de construire une voie ferrée destinée à une circulation peu active et d’un avenir douteux, on n’aura pas recours aux grands moyens pour aplanir les obstacles de la route. On préférera alors gravir des pentes un peu raides, faire quelques circuits, et tourner les difficultés. Au contraire, pour une ligne de premier ordre, on ira droit devant soi perçant les montagnes, construisant d’immenses tunnels et des viaducs d’une hauteur à donner le vertige.

Les premières études d’un chemin de fer se font sur de bonnes cartes des localités qui seront traversées par la voie future. On discute alors, à première vue, les avantages que paraissent offrir différentes directions, et l’on forme plusieurs avant-projets. Une fois adoptés, ces avant-projets sont rectifiés ou confirmés par des voyages sur les lieux et par des mesures approximatives.

Ces avant-projets sont soumis à une réunion d’économistes, d’hommes d’État, d’ingénieurs et de commerçants, et à la Direction du futur chemin, qui se prononce sur les avantages ou inconvénients des différents tracés.

Le tracé étant arrêté dans son ensemble, on peut commencer l’étude du terrain pour le tracé définitif.

Cette étude se fait au moyen des instruments ordinaires d’arpentage : graphomètre, mire, niveau d’eau, chaîne d’arpenteur, etc. On détermine les positions des points les plus saillants au moyen d’une triangulation qui fait la base du canevas topographique, c’est-à-dire du réseau qu’on obtient en réunissant par des lignes droites les points dont les positions sont connues. Ce canevas doit être ensuite rempli, c’est-à-dire qu’on doit y inscrire tous les détails topographiques du terrain, comme on porte les détails d’un dessin sur un canevas de tapisserie.

Viennent ensuite les opérations du nivellement, par lesquelles on détermine l’élévation relative des différents points du sol, et qui permettent d’établir le profil en long et le profil en travers du tracé, c’est-à-dire la forme de la coupe longitudinale et de la coupe transversale du terrain, aux points où doit passer la voie ferrée.

Ces profils servent à étudier d’avance les travaux de terrassement, tranchées et ouvrages d’art, que la construction de la voie rendra nécessaires. On y indique les déblais et remblais, les viaducs, les ponts, les tunnels, enfin tout ce qui servira à diminuer les inégalités naturelles du terrain.

Il s’agit alors de savoir quelles sont les pentes et les courbures que l’on pourra adopter, sans avoir besoin, sur la voie future, de machines trop puissantes et trop coûteuses pour gravir les rampes et résister au glissement le long de ces pentes. Il est quelquefois difficile de passer entre ces écueils opposés.

Les pentes de la route augmentent toujours considérablement la résistance au transport des véhicules, aussi bien dans le cas des routes ordinaires que dans celui des chemins de fer. Un cheval qui pourrait traîner une charge de dix tonnes, sur un chemin de fer horizontal, ou de niveau, ne traîne plus que cinq tonnes sur la faible pente de 4 millièmes, ou de 4 mètres par kilomètre. Sur une pente de 5 centièmes, ou de 50 mètres par kilomètre, que l’on rencontre quelquefois, il ne traînerait pas une tonne (800 kilogrammes seulement).

Les pentes obligent donc à accroître la force des machines destinées à remorquer les trains, ou à diminuer la charge des convois et le nombre des voitures. Une locomo-