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coup de mitraille ; mais à la distance où sont placés les voyageurs, le danger n’est pas énorme. Il n’en serait pas de même dans un tunnel ; là vous auriez à redouter les coups directs et les coups réfléchis ; là vous auriez à craindre que la voûte ne s’éboulât sur vos têtes.

« Je le répète, au surplus, je ne crois pas que le danger soit bien grand ; mais enfin, puisqu’on a cité en faveur de la rive droite une foule d’avantages qui ne m’avaient pas frappé, j’ai rempli un devoir en montrant que le long souterrain augmenterait considérablement les fâcheux effets d’une explosion[1]. »

Dans le cours sur les chemins de fer qui fut ouvert en 1834, à l’École des Ponts et Chaussées, on préconisait encore l’emploi des chevaux comme moteur sur les voies ferrées !

M. Perdonnet, de concert avec MM. Mellet et Henry, et Alphonse Cerfberr, avait fondé une société au capital, de 500 000 francs, avec les principaux banquiers de Paris, pour étudier les grandes artères qui pouvaient être établies en France, lorsque l’administration des Ponts et chaussées, effrayée de se voir devancée par des ingénieurs civils, demanda aux Chambres et en obtint, un crédit égal, qui, selon l’administration des Ponts et Chaussées, serait mis gratuitement à la disposition du public.

Il avait donc fallu obéir à la force et à l’évidence des faits. En présence des vœux unanimement exprimés par les populations, on se décida à négliger les résistances et les prédictions contraires de l’administration des Ponts et Chaussées, et les grandes lignes furent entreprises.

Seulement, on affirmait, tout en les construisant, qu’elles ne pourraient jamais lutter contre les voies navigables, pour le transport des marchandises. Les faits sont heureusement venus détruire cette erreur, et montrer qu’au point de vue de l’économie, les chemins de fer ne sont nullement inférieurs aux anciens modes de transport.

Le chemin de fer de Paris à Saint-Germain, qui avait été concédé en 1835, par le vote de la Chambre des députés, fut terminé en 1837. Il n’allait pas plus loin, que le bas de la colline de Saint-Germain. Les wagons s’arrêtaient au Pecq ; et le voyageur était forcé de gravir à pied la rampe interminable qui conduit du bord de la Seine à Saint-Germain.

L’inauguration de ce chemin de fer, le premier qui ait été établi aux portes de la capitale, se fit le 27 août 1837. Les hommes les plus distingués dans la politique, dans la presse et dans les lettres, avaient été conviés à cette solennité. Ce fut avec une émotion singulière que l’on sentit le train s’arrêter, après un trajet de 18 minutes, au bas de la côte de Saint-Germain, où les meilleures voitures publiques n’arrivaient qu’en deux heures et demie.

Les ingénieurs qui avaient exécuté ce premier railway, étaient ceux-là mêmes qui en avaient fait les études préalables, c’est-à-dire M. Eugène Flachat et M. Stéphane Flachat, son frère, ingénieurs civils, réunis à deux ingénieurs des mines, MM. Lamé et Clapeyron.

M. Eugène Flachat fut, peu de temps après, nommé directeur de ce chemin de fer.

M. Eugène Flachat est né en 1802. Après avoir construit avec les ingénieurs, dont nous venons de citer les noms, le chemin de fer de Paris à Saint-Germain, il a construit seul les chemins d’Auteuil et d’Argenteuil, et plus tard, le chemin du Pecq, à Saint-Germain, et dirigé, pendant plusieurs années, le service technique de ces chemins de banlieue. Tous ses travaux de construction ont un cachet particulier d’élégance et de légèreté.

Un grand nombre d’ingénieurs civils ont débuté dans le bureau de M. Eugène Flachat. Doué d’une érudition extraordinaire, M. Eugène Flachat a pris part à la rédaction

  1. Arago, Notices scientifiques, tome II pages 244-246 (tome V des Œuvres complètes).