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les rames par des hélices[1]. Il voulait placer deux hélices, qu’il nommait ptérophores, à l’arrière et de chaque côté du navire, dans une situation horizontale et dans le sens de sa longueur.

Paucton fait ressortir, dans son livre, les pertes de force qui résultent du mouvement alternatif des rames, et il essaie de démontrer que des hélices disposées sous la quille d’un vaisseau, donneraient des résultats bien supérieurs. Cependant ses idées ne frappèrent que médiocrement l’attention.

En 1777, l’Américain David Bushnell avait adapté une hélice au bateau-plongeur dont il est l’inventeur. Ce bateau s’enfonçait en se remplissant d’eau ; quand il fallait remonter à la surface, on évacuait cette eau à l’aide d’une pompe aspirante. Pour diriger sous l’eau son embarcation, Bushnell employait un aviron en forme de vis, qu’il plaçait horizontalement sous la quille. Cette sorte d’hélice faisait marcher le bateau d’avant en arrière. Un second aviron placé verticalement, à la partie supérieure du bateau, régularisait son immersion, et le maintenait à la hauteur désirée, indépendamment de la quantité d’eau admise dans le réservoir. Ce moyen de direction fut plus tard, imité par Fulton, dans ses embarcations submersibles.

La découverte de la navigation par la vapeur vint donner beaucoup d’intérêt aux travaux exécutés jusqu’à cette époque, sur l’hélice. Un grand nombre d’essais nouveaux furent dès lors, entrepris dans cette direction. La plupart de ces recherches, restées sans résultat pratique, ont peu d’importance aujourd’hui, et nous les passerons sous silence.

Cependant, parmi ces tentatives demeurées sans résultat, et qui furent entreprises au commencement de notre siècle, pour appliquer l’hélice à la navigation, il en est une qui, à notre point de vue national, mérite d’être distinguée. Nous voulons parler des essais faits à Paris en 1803, par un mécanicien français, Charles Dallery.

L’histoire ne doit pas exclusivement ses hommages aux génies heureux que le succès couronne. Ceux qui ont préparé le triomphe d’une œuvre utile à l’humanité, ont droit aussi à notre reconnaissance. L’intérêt que leur souvenir éveille est même, en quelque sorte, plus tendre. Il nous appartient de consoler leur mémoire du triste concours de circonstances qui paralysa leurs efforts. Donnons un souvenir, le jour de la récolte, au laboureur ignoré qui traça le sillon pénible et ne vit point jaunir la moisson.

Entre ces inventeurs malheureux dont les efforts se sont brisés devant le hasard et l’inopportunité des temps, Charles Dallery, né à Amiens, le 4 septembre 1754, mort à Jouy, près de Versailles, en 1835, mérite d’occuper une place. Créateur de plusieurs inventions remarquables, il fut toujours méconnu pendant sa vie, et resta ignoré jusqu’à vingt années après sa mort. Ce ne fut point le génie qui lui manqua, mais cet assemblage fortuit de circonstances que Dieu tient en ses mains, et que nous appelons le bonheur.

Fils d’un constructeur d’orgues de la ville d’Amiens, Charles Dallery était, à dix ans, le meilleur apprenti de son père. À douze ans, il fabriquait des horloges de bois d’une précision admirable, et il possédait à fond l’art, compliqué, de la fabrication des orgues d’église. Son intelligence mécanique cherchait partout des occasions de s’exercer. Une harpe s’étant rencontrée sous sa main, il adapta à cet instrument un mécanisme propre à exécuter les demi-tons.

S’étant rendu à Paris, il soumit l’instrument ainsi modifié, au facteur le plus en vogue. Celui-ci accueille avec empressement la découverte, et place le jeune Dallery à la tête de ses ateliers. Ainsi perfectionnée, la harpe détrône bientôt l’antique clavecin, et fixe la mode pour longtemps. Un brevet d’invention fut pris ; mais ce fut au nom du fabricant,

  1. Théorie de la vis d’Archimède, de laquelle on déduit celle des moulins, conçue d’une nouvelle manière, par M. Paucton, in-18, Paris, 1778.