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deur du foyer faisait souvent rougir le bas de la cheminée, jusqu’à un mètre au-dessus du pont. Cette espèce de torche sillonnant avec rapidité le cours du fleuve, attirait de loin tous les regards, et semait l’épouvante sur son parcours. Les cris sinistres : Au feu ! au feu ! le tocsin et les aboiements des chiens, ne cessèrent qu’au point du jour, de poursuivre la fantastique apparition.

Mais la scène changea avec le lever du soleil. On parcourait les belles rives de la Seine, aux approches de Rouen, et l’on ne trouva plus que des paysans au visage gai et épanoui, qui saluaient les passagers, en jetant leurs chapeaux en l’air.

Il fallut s’arrêter à Rouen, pour munir la cheminée du bateau à vapeur d’une partie articulée, qui permît de l’abaisser au passage des ponts.

Le 25, à onze heures du matin, l’Élise quittait Rouen, ayant à son bord le prince Wolkonski, aide de camp de l’empereur de Russie, Alexandre, et quelques officiers de sa suite, venus de Paris, dans cette intention. Le bateau traversa Rouen, sous les doubles couleurs françaises et russes, aux acclamations des habitants de la ville et des campagnes d’alentour, qui encombraient les quais, les fenêtres, et jusqu’aux toits des maisons.

Les officiers russes embarqués sur l’Élise, ne se méprirent pas sans doute, sur l’objet et l’adresse de ces hommages. La cité rouennaise saluait de ses vivats sympathiques, l’inauguration d’un système nouveau qui devait renouveler la navigation ; elle oubliait pour un moment la douloureuse présence des alliés dans la capitale de la France !

Le 28 mars, l’Élise mouillait sur la Seine, au pont d’Iéna, et le lendemain, les Parisiens se pressaient sur les quais, depuis la barrière de la Conférence jusqu’au quai Voltaire, où devait s’arrêter le bateau.

On avait fait porter, la veille, deux canons à bord de l’Élise. Arrivé au pont de la Concorde, le capitaine commanda de tirer le premier coup de canon, auquel succéda toute une salve, dont le vingt et unième coup retentit sous les fenêtres du palais des Tuileries, aux acclamations de la multitude. Le roi Louis XVIII, qui assistait à cette scène, accoudé à une fenêtre du palais, ne put s’empêcher de partager l’enthousiasme public. Il applaudit, en élevant les mains.

Là se termina l’épopée du premier bateau à vapeur venu d’Angleterre en France. Le 10 avril, l’Élise repartit pour Rouen, et commença un service de transports réguliers entre cette ville et Elbeuf. Mais l’entreprise s’arrêta devant des embarras qui amenèrent bientôt sa dissolution. Le bateau à vapeur dut reprendre le chemin de l’Angleterre, où son premier soin fut de rentrer en possession de son titre britannique de Margery, répudiant ce doux et mélodieux nom d’Élise, qui aurait pourtant rappelé son triomphe et ses beaux jours.

Les temps n’étaient pas encore venus pour la France, d’inaugurer, avec éclat ou avec succès, le nouveau mode de navigation.

Après les essais que nous venons de rappeler, quatre années se passèrent sans que rien fût entrepris en ce genre. En 1820 seulement, un constructeur anglais, Steel, lança sur la Seine, entre Elbeuf et Rouen, un petit bateau à vapeur, ayant pour propulseur une rame articulée, ou patte d’oie.

En 1821, une compagnie anglaise amena en France, deux bateaux à vapeur en fer, l’Aaron-Mamby et la Seine, qui firent sur la Seine, un service de transports. Peu après, deux autres bateaux à vapeur, le Commerce et l’Hirondelle, semblables aux deux premiers, sortaient des ateliers que Mamby venait d’établir à Charenton. L’appareil moteur de ces bateaux, construit par M. Cavé, consistait en une machine à vapeur oscillante et à haute pression.

C’est de 1825 à 1830 que nos rivières et nos grands ports de mer ont commencé à recevoir presque tous, un service régulier de