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Cet appel aux voyageurs porta peu de fruits. Il régnait dans le public un préjugé si fort et des craintes si enracinées contre les dangers attachés à l’emploi de la vapeur sur les bateaux, que c’est à peine si quelques personnes osèrent s’aventurer sur le pyroscaphe. Les bateliers de la Clyde et les conducteurs des coches d’eau, poursuivaient de leurs cris et de leurs huées les rares passagers de la Comète.

Un an se passa dans ces dispositions défavorables. Aussi pendant cette première année, Henry Bell ne retira-t-il que des pertes de son entreprise. Cependant on finit par reconnaître que les passagers étaient transportés par la Comète, aussi rapidement sur les 24 milles de son parcours, que par le coche d’eau, et avec un tiers d’économie ; ce qui commença à réconcilier le pays avec le nouveau mode de navigation.

Les bénéfices, toutefois, n’arrivaient pas plus vite pour le propriétaire de la Comète. Afin d’édifier complétement le public sur les avantages et la sécurité de son bateau, Henry Bell le fit naviguer sur toute la côte de l’Écosse, de l’Angleterre et de l’Irlande. Le public se montra dès lors moins timide, et les passagers finirent par affluer sur le bateau à vapeur.

Avant l’établissement de ce paquebot, le nombre moyen des voyageurs entre Greenock et Glasgow ne dépassait pas 80 par jour. Quatre années après, il n’était pas rare de compter chaque jour, 450 passagers, jouissant du plaisir d’une excursion sur l’eau, aux bords enchanteurs de la Clyde.

Pour satisfaire l’extension croissante de la circulation entre ces deux points, Henry Bell fit construire en 1815, un bateau plus puissant : c’était le Rob-Roy, nom tiré d’un roman de Walter Scott. Ce bateau, du port de 90 tonneaux, et pourvu d’une machine de 30 chevaux de force, fut employé à la traversée de la Clyde et de Belfast.

Pendant l’automne de la même année, plusieurs autres bateaux, construits par Henry Bell, furent envoyés sur divers points de l’Angleterre, et commencèrent à généraliser dans la Grande-Bretagne l’emploi des machines à vapeur dans la navigation sur les rivières.

D’après R. Stuart, pendant que Henry Bell préludait en Écosse à l’établissement de la navigation par la vapeur, c’est-à-dire pendant l’année 1811, un constructeur de l’Irlande, M. Dawson, qui s’occupait, de son côté, du même objet, fit construire un bateau d’essai, du port de 50 tonneaux, qui était mis en mouvement par une petite machine à vapeur marchant à haute pression. Par une coïncidence curieuse, ce bateau reçut le nom de la Comète, comme celui que Henry Bell, en Écosse, lançait, pendant la même année, sur les eaux de la Clyde[1].

La navigation à vapeur prenant peu à peu de l’extension dans la Grande-Bretagne, une ligne régulière, desservie par deux bateaux à vapeur, l’Hibernia et la Britannia, fut établie entre Holy-head et Dublin.

Holy-head et Dublin sont séparées par la partie de la mer d’Irlande connue sous le nom de canal Saint-Georges. C’était pour la première fois, en Europe, que les bateaux à vapeur osaient naviguer en mer, pour un service continu. La régularité et la sûreté parfaites avec lesquelles s’accomplirent les traversées, dans ces parages orageux, prouvèrent suffisamment les avantages des bateaux à vapeur pour les voyages sur mer, et leur résistance extraordinaire aux accidents de la navigation maritime. Aussi vit-on, après cette épreuve décisive, plusieurs compagnies se former en Angleterre, pour établir des services de paquebots sur les rivières, entre l’Angleterre et l’Irlande, et même sur quelques points entre la côte d’Angleterre et le continent.

En 1818, M. Dawson, qui, d’après R. Stuart, comme nous venons de le dire, avait débuté

  1. Stuart, édition anglaise, vol. II, p. 525.