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cause du soleil qui est la vraie lumière naturelle, et mesmement la lumière artificielle procède du feu matériel… ; et quant à la violence du feu, la plus grande procède de feu matériel. Chacun sait le dommage qu’il fait où il se met ; soit par accident ou entreprise délibérée. En Sicile, le feu s’est mis dans la cavité du mont Gibella, autrement dit Ætna, lequel brûle il y a fort longtemps ; toutefois il y a apparence que ce feu prendra fin, quand toute la matière sulfurée qui l’entretient finira. La violence aussi de plusieurs inventions de machines de guerre est admirable, lesquelles se font avec la poudre à canon. Ainsi le feu matériel nous sert aussi bien à faire du mal comme du bien, et quant au feu élémentaire, il y a aucunes machines en ce livre, lesquelles ont mouvement par le moyen d’iceluy, comme l’élévation des eaux dormantes et autres machines suivantes icelles non démontrées par cy-devant. »

Après cette singulière définition du feu, qui peut donner une juste idée de la force de ses raisonnements et de ses vues, Salomon de Caus passe à la définition de l’air.

« L’air, dit-il, est un élément froid, sec et léger, lequel se peut presser et se rendre fort violent…
Fig. 9.
L’air est aussi dit léger, car quelque quantité qu’il y ait d’air dans un vaisseau, il n’en sera plus pesant ; et quant à ce qui est dit ici qu’il se peut presser, j’en donnerai ici un exemple : Soit un vaisseau de plomb ou cuivre bien clos et soudé tout à l’entour, marqué A, auquel il y aura un tuyau marqué BC duquel le bout C approchera près du fond dudit vaisseau d’environ un pouce, et au bout B, il y a un petit récipient (entonnoir) pour recevoir l’eau, laquelle verserez dans ledit récipient, et de là descendra au vaisseau, et d’autant que l’air qui est au dedans ledit vaisseau ne peut sortir, et qu’il faut qu’il y ait quelque place, on ne pourra emplir ledit vaisseau, et si le tuyau BC est haut de dix ou douze pieds, il y entrera environ jusqu’au tiers d’eau, tellement que l’air se pressant, causera une compression, et fera même enfler le vaisseau, s’il n’est fort épais, ce qui démontre que l’air se presse, et que cette compression fait violence, comme il se pourra voir en diverses machines en ce livre. Mais la violence sera grande quand l’eau s’exhale en air par le moyen du feu et que ledit air est enclos, comme par exemple, soit une balle (ballon) de cuivre d’un pied ou deux de diamètre, et épaisse d’un pouce, laquelle sera remplie d’eau par un petit trou, lequel sera bouché bien fort après avec un clou, en sorte que l’eau ni l’air n’en puissent sortir ; il est certain que si l’on met ladite balle sur un grand feu, en sorte qu’elle devienne fort chaude, qu’il se fera une compression si violente que la balle crèvera en pièces, avec bruit semblable à un pétard. »

La lecture du texte original de Salomon de Caus suffit pour rectifier l’interprétation inexacte que l’on a faite de ce passage. On voit que la première expérience qu’il rapporte n’a d’autre but que de démontrer la compressibilité de l’air, et de manifester l’un des effets mécaniques auxquels donne naissance l’air comprimé. L’air condensé dans la partie supérieure du vase AC par l’eau que l’on verse dans ce vase, s’oppose, par sa pression, à ce que l’eau vienne occuper toute sa capacité. La seconde expérience n’est destinée qu’à montrer les effets de la compression de l’air échauffé et non de la vapeur, comme on l’a si souvent avancé. Salomon de Caus nous apprend que, par l’effet de la pression de l’eau exhalée en air, un ballon de cuivre peut éclater en mille pièces. Cette phrase : « La violence sera grande quand l’eau s’exhale en air par le moyen du feu », si souvent invoquée en faveur de Salomon de Caus, prouve seulement qu’il connaissait le fait vulgaire d’un vase métallique rempli d’eau, hermétiquement bouché, et qui éclate par l’action de la chaleur. Mais ce fait était depuis longtemps connu ; on le trouve cité dans plusieurs écrits des alchimistes, et Salomon de Caus se borne à le reproduire, sans se douter de la véritable cause du phénomène ; il n’y voit autre chose que l’effet de l’air engendré par la chaleur et agissant sur l’eau dans un espace fermé.

Après ces définitions, Salomon de Caus passe à l’exposition de divers théorèmes. Le premier est ainsi formulé : « Les parties des éléments se mêlent ensemble pour un temps, puis chacun retourne à son lieu. » L’auteur