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qui portait la torpille. Pour attaquer et faire sauter une embarcation ennemie, Fulton attachait une sorte de harpon à l’extrémité de la corde qui flottait sur l’eau. Quand on dirigeait le petit bateau contre un navire, le mouvement de l’eau suffisait pour attirer l’extrémité de la corde, et la fixer à la quille, par son harpon. Au bout d’un temps réglé par la fin d’un mouvement d’horlogerie qui communiquait à la platine du fusil, l’explosion se faisait, et en raison de l’incompressibilité de l’eau, tout l’effet explosif se portait contre le navire.

Quelquefois la torpille était lancée contre les bâtiments à l’ancre : le mouvement du courant devait alors suffire pour l’attirer contre eux. D’autres fois, enfin, on plongeait la torpille à 12 ou 14 pieds au-dessous de la surface de l’eau, en l’armant d’une détente qui devait partir et enflammer la poudre dès que le navire la toucherait légèrement.

Quant au bateau plongeur que Fulton désignait sous le nom de Nautilus, et qui lui servait à submerger ses torpilles, ou à s’enfoncer inopinément dans l’eau, pour échapper à l’observation de l’ennemi, il ressemblait assez aux différents bateaux de ce genre que l’on a vus, de nos jours, manœuvrer dans les ports.

Malgré la brièveté des descriptions qui précèdent, on peut s’assurer que les torpilles essayées par Fulton en 1801, ont donné l’idée et ne diffèrent que peu dans leur mécanisme, des appareils de destruction sous-marine qui ont été mis en usage avec un effroyable succès dans la rade de Toulon au mois de janvier 1866, par M. l’amiral Bouet Willaumez. Fulton employait la poudre comme agent explosif. De nos jours, on fait usage de la nitro-glycérine, substance liquide, d’invention récente et qui jouit de terribles propriétés détonantes. Mais le mécanisme qui a été employé à Toulon pour mettre en action la batterie sous-marine, ne diffère pas beaucoup de celui que Fulton avait adapté à ses torpilles. Aujourd’hui, comme en 1801, on fait partir la batterie par un simple rouage, ou effet mécanique, sans aucun emploi de l’électricité.

Avec l’espèce de machine infernale dont il vient d’être question, Fulton réussit à faire sauter, dans la rade de Brest, une chaloupe qui s’y trouvait à l’ancre. À la distance de 200 mètres, il lança son torpedo contre la chaloupe, qui, au bout d’un quart d’heure, sauta en l’air, au milieu d’une colonne d’eau soulevée à plus de 100 pieds.

Cette expérience, qui excita à Brest beaucoup de curiosité, eut lieu en présence de l’amiral Villaret et d’une multitude de spectateurs.

Fulton essaya alors de s’approcher de quelques-uns des navires anglais qui croisaient sur les côtes, et s’avançaient fréquemment dans les parages de Berthaume et de Camaret, près de Brest. Il fut sur le point, dans les parages du Havre, de joindre un vaisseau anglais de 74 canons, mais celui-ci changea tout à coup de direction et s’éloigna du Nautilus. Plusieurs mois s’écoulèrent ensuite sans qu’aucun bâtiment ennemi s’approchât assez du rivage pour permettre de renouveler la tentative.

Toutes ces lenteurs fatiguèrent le premier consul, qui cessa peu à peu d’ajouter de l’importance aux inventions sous-marines, et qui finit même par les déclarer impraticables. Les mémoires et les pétitions de Fulton commencèrent à demeurer sans réponse. Il fut enfin officiellement informé que le gouvernement français n’entendait plus donner suite à aucun essai de ce genre.

Forcé de renoncer aux projets qu’il poursuivait depuis six ans avec si une grande ardeur, Fulton se disposait à retourner en Amérique, lorsque, vers la fin de 1801, et au moment où il s’occupait des préparatifs de son départ, il rencontra à Paris Robert Livingston, ambassadeur des États-Unis.

Livingston, qui avait rempli pendant vingt-cinq ans, dans l’État de New-York, les fonctions de chancelier, et qui vint à bout de conclure avec la France le traité de cession de la Louisiane, si avantageux pour sa patrie, ne