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idée claire du principe moteur de ce bateau. CD est le fond du bateau muni d’une ouverture C et d’une soupape A. Le piston F, mis en action par la machine à vapeur, après avoir aspiré l’eau, dans le corps de pompe FM, par la soupape A qui se referme ensuite, refoule cette eau par la soupape DB, et pousse ainsi le bateau par la réaction du liquide.

Fig. 94. — Croquis du bateau de James Rumsey, d’après le dessin qui accompagne sa demande de brevet.

Il existe une description assez complète de l’appareil moteur de James Rumsey. Elle a été faite sur les lieux, par M. de Laforest, le même qui s’était occupé, de concert avec Saint-Jean Crèvecœur, de transmettre au gouvernement français les indications relatives au bateau à vapeur de Fitch. Voici cette description, que nous empruntons au travail publié dans le Moniteur universel par M. Pierre Margry, sur la Navigation du Mississipi, travail qui nous a déjà fourni de précieux renseignements concernant les précurseurs de Fulton aux États-Unis :

« Au fond du bateau, où devait être la carlingue, se trouvait, dit M. de Laforest, une caisse plate longue de trente-six pieds ; une de ses extrémités allait jusqu’à l’étambot et était ouverte, l’autre était fermée, et toute la caisse occupait les trois quarts de la longueur du fond du bateau. À l’extrémité fermée de cette caisse il y avait un cylindre de deux pieds et demi de long, qui communiquait avec elle par le bas et y laissait entrer l’eau qui allait se décharger à la poupe. Une autre communication était établie au fond du cylindre par le moyen d’un tube avec la rivière sur laquelle flottait le bateau.

« À la tête du tube et dans le cylindre était une soupape pour y admettre l’eau de la rivière, appliquée de manière à empêcher que l’eau entrée ne pût sortir par la même ouverture. Sur le haut du cylindre, il s’en trouvait un autre de la même longueur qui y était fixé avec des écrous.

« Chacun de ces deux cylindres avait un piston rendu hermétique, qui haussait et baissait avec un peu de frottement.

« Les deux pistons étaient liés ensemble par une cheville très-unie fixée à vis aux extrémités correspondantes de chacun d’eux et passant à travers le fond du cylindre supérieur. Le cylindre inférieur recevait l’eau de la rivière à travers le tube et la soupape décrits plus haut, et le retour du piston la poussait fortement dans la caisse dont on a parlé jusqu’à la poupe du bateau.

« Le cylindre supérieur recevait la vapeur générée dans un tube ardent sous son piston, lequel était soulevé au haut du cylindre par la vapeur. Au même moment le piston du cylindre était aussi soulevé en raison du lien qui l’attachait à l’autre piston. Ils fermaient alors la communication avec le tube ardent et en ouvraient une autre par laquelle la vapeur s’échappait en se condensant. Par ce moyen l’atmosphère agissait sur le piston du cylindre inférieur, ce qui précipitait l’eau de ce dernier cylindre à travers la caisse avec une rapidité dont la réaction, à l’extrémité de cette caisse, chassait le bateau en avant.

« On sait, dit M. Laforest, qu’un corps pesant, tombant vers la terre, traversera environ quinze pieds dans la première seconde ; si ce corps est chassé horizontalement par une impulsion égale à son poids, il suivra cette direction dans un même espace de temps ; d’où, selon M. Rumsey, il devrait résulter que l’eau de la caisse aurait, proportionnellement à son poids, l’effet d’arrêter la trop prompte décharge de l’eau du cylindre, ce qui devait empêcher que l’eau qui, après l’impulsion donnée, courait rapidement à travers la caisse, ne retardât, par sa vélocité, le mouvement en avant du bateau.

« Enfin, il y avait une soupape près du cylindre, à la tête de la caisse, pour admettre l’air qui suivait l’eau mise en mouvement, et lui donnait le temps de s’élever graduellement dans la caisse à travers les soupapes qui étaient au bas. Cette eau avait peu ou point de mouvement, relativement au bateau, et, en conséquence, était capable d’opérer quelque résistance à chaque impulsion nouvelle. »

Rumsey était parvenu à intéresser à son entreprise un riche négociant américain, qui résidait à Londres. Avec le secours de ce compatriote et de quelques autres amis, il avait pu réunir la somme nécessaire pour entreprendre les essais de son système de navigation. Après avoir employé deux ans à ses préparatifs, il se disposait à mettre la dernière main à son œuvre, lorsqu’il mourut, à la veille d’atteindre le but qu’il poursuivait depuis si longtemps.

Cependant, en février 1793, ses associés lancèrent sur la Tamise le bateau de Rumsey.