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il ne fait pas même mention, nous le répétons, de l’existence de ce moyen de propulsion des navires, à la création duquel il avait pourtant lui-même activement contribué.

La machine de Symington, telle qu’elle fut imaginée et construite par cet ingénieur, en 1789, était essentiellement imparfaite. L’emploi des chaînes attachées à la tige du piston à vapeur était le principal de ses défauts. Il était impossible de l’employer dans la pratique. Mais Symington perfectionna plus tard son œuvre, et comme nous le dirons plus loin, douze ans après, il avait transformé avec bonheur ce premier et insuffisant appareil. En 1801, l’ingénieur écossais installait sur un bateau, une machine à vapeur de dispositions parfaites, et qui ne fut pas consultée sans profit par Fulton.

Mais avant d’entrer dans le récit de ces faits, nous devons nous transporter en Amérique, pour y assister aux débuts et aux premiers progrès de la grande invention que nous essayons de raconter.



CHAPITRE III

les précurseurs de fulton en amérique. — john fitch et james rumsey.

Après huit ans de guerre, l’acte du 5 septembre 1783 venait de proclamer l’affranchissement de l’Amérique. La bravoure de Washington et la sagesse de Franklin avaient fondé l’indépendance des États de l’Union. Les arts de la paix, les bienfaits de l’industrie, devaient bientôt rendre fructueuse la grande tâche accomplie par le succès des armes américaines. Mais la situation topographique de ces contrées offrait de grands obstacles à l’établissement des relations du commerce. Les États-Unis, avec leur territoire immense, dont l’étendue dépasse de beaucoup la moitié de l’Europe, avec leur population très-faible encore et disséminée sur tous les points, dépourvus de tout système de bonnes routes, et sillonnés par de grands fleuves dont les rives, couvertes de forêts épaisses, sont inaccessibles au halage, ne pouvaient se contenter des moyens de transport usités dans l’ancien monde. L’essor du commerce menaçait donc de s’y trouver promptement arrêté par l’insuffisance des voies de communication entre l’intérieur et l’Océan.

Les fleuves qui traversent le pays, les lacs immenses qui le bornent au nord, les golfes et les baies qui dessinent ses côtes méridionales, auraient pu sans doute fournir des moyens peu coûteux de communication ; mais enfermés dans les terres, et protégés ainsi contre l’action des vents, les golfes de l’Amérique n’offrent qu’un moyen assez lent de navigation, et les bords vaseux de ses fleuves, les forêts qui les hérissent, rendent impraticables les procédés du halage. En outre, le Mississipi et ses branches innombrables sont inaccessibles, dans une grande partie de leur cours, à toute espèce de navires à voiles ou à rames, en raison de la rapidité des courants. C’est ainsi que les bateaux plats qui descendaient ce grand fleuve, mettaient plus d’un mois à se rendre de l’ouest à la Nouvelle-Orléans, où ils étaient tous démolis, faute de pouvoir, même avec des voiles, retourner à leur point de départ.

Il est donc facile de comprendre de quelle importance devait être pour l’Amérique la navigation par la vapeur, qui, sur les fleuves, dispense de tout moyen de halage, et triomphe de la rapidité des cours d’eau, et qui, sur les mers, n’a point d’impulsion à demander aux vents, ni de retards à essuyer du calme ou des tempêtes. La vapeur eût-elle été inutile au reste du globe, il aurait fallu l’inventer tout exprès pour ces vastes contrées.

Aussi, dès que la machine à double effet fut inventée par James Watt en Angleterre, on essaya, aux États-Unis, de l’appliquer à la navigation.

La machine à vapeur à double effet fut