Page:Figuier - Les Merveilles de la science, 1867 - 1891, Tome 1.djvu/170

Cette page a été validée par deux contributeurs.

prince Rupert, qu’il avait vu fonctionner à Londres.

Un mécanicien, nommé Duquet, avait fait à Marseille et au Havre, de 1687 à 1693, un grand nombre d’essais avec des rames tournantes, composées chacune de quatre rames courtes et larges, opposées deux à deux et placées en croix[1]. Ces expériences avaient produit en France beaucoup d’impression, et cette idée ne tarda pas à y être poursuivie. En 1732, le comte de Saxe présenta à l’Académie des sciences de Paris, le plan très-bien conçu, d’un bateau remorqueur ayant de chaque côté une roue à aubes, que faisait tourner un manége de quatre chevaux. « Ces roues, dit le comte de Saxe, faisant le même effet que les rames perpendiculaires, il s’ensuivra que la machine remontera contre un courant, et tirera après elle le bateau proposé[2]. » C’est à la suite de ce travail du comte de Saxe que l’Académie des sciences avait été amenée à mettre au concours la question des moyens de suppléer à l’action du vent, sur les navires.

L’emploi des roues à palettes dans la navigation n’avait donc rien de neuf dans son principe ; mais la difficulté consistait à faire mouvoir ces roues par l’action de la machine à vapeur à simple effet. Cette difficulté était considérable, en ce que cette machine, n’agissant que d’une manière intermittente, ne se prêtait qu’avec beaucoup de peine à produire un mouvement de rotation. On peut même dire que cette transformation du mouvement n’était point réalisable avec les conditions de régularité qu’il importait d’atteindre, et ce fut l’erreur du marquis de Jouffroy, d’abandonner le système palmipède, qui s’accommodait assez bien de la machine à simple effet, pour y substituer les roues à aubes. Cependant les moyens qu’il mit en usage pour atteindre ce but étaient bien conçus, et l’ingénieuse disposition qu’il adopta mérite d’être connue.

La machine à vapeur du marquis de Jouffroy avait deux cylindres. Au piston de chacun d’eux était fixé un anneau qui portait une chaîne de fer flexible, et les deux chaînes partant de chaque piston venaient s’enrouler sur un arbre unique destiné à faire tourner les roues. Les deux cylindres étaient placés l’un près de l’autre, avec un certain degré d’inclinaison, et ils communiquaient entre eux, à l’aide d’un large tube qu’une lame métallique, ou, comme on le dit aujourd’hui, un tiroir, pouvait parcourir, de manière à introduire la vapeur, selon son déplacement, dans l’un ou l’autre des deux cylindres.

Fig. 85. — Mécanisme moteur du bateau à roues du marquis de Jouffroy (coupe et élévation).

La figure 85 représente, en élévation et en coupe, cet appareil moteur, d’après le dessin qui en a été donné par M. Léon Lalanne, dans les figures qui accompagnent son article Vapeur, de l’Encyclopédie moderne[3].

  1. Machines et inventions approuvées par l’Académie royale des sciences, t. I, p. 173 et suiv.
  2. Ibidem, t. VI, p. 41.
  3. Atlas, t. III, planche 69.