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Outre la soupape de Papin, les chaudières à vapeur sont quelquefois munies d’un appareil de sûreté fondé sur un principe tout différent : c’est la plaque, ou rondelle fusible.

La plaque fusible est un petit disque de métal qui bouche hermétiquement un trou pratiqué sur un point quelconque de la chaudière. Ce disque est composé d’un alliage d’étain, de bismuth et de plomb, dans des proportions telles qu’il puisse entrer en fusion dès qu’il se trouve soumis à un degré de température supérieur à celui que présente la vapeur quand elle a atteint la pression extrême que la chaudière peut supporter.

Le principe sur lequel repose l’emploi des rondelles fusibles, est important à connaître. La pression qu’exerce la vapeur d’eau, dépend de sa température ; et les pressions qui correspondent aux différentes températures de la vapeur, ont été déterminées expérimentalement de la manière la plus précise. D’après les tables de la force élastique de la vapeur d’eau, dressées par les soins de l’Académie des sciences de Paris, on sait qu’à la température de 100 degrés, la force élastique de la vapeur équivaut au poids d’une atmosphère ; — qu’une température de 112 degrés correspond à une force élastique d’une atmosphère et demie, — une température de 122 degrés à deux atmosphères, — une température de 145 degrés à quatre atmosphères, etc. D’après cela, la connaissance de la température de la vapeur contenue dans une chaudière, doit suffire pour indiquer la force élastique dont jouit cette vapeur, ces deux termes étant liés entre eux d’une manière invariable.

Si donc on prépare, par le mélange de certains métaux, un alliage tel qu’il entre en fusion à la température que la vapeur ne doit jamais dépasser, et que l’on ferme, avec une plaque composée de cet alliage, un orifice pratiqué sur la chaudière ; dès que la vapeur aura dépassé la pression normale assignée par le constructeur, la température de cette vapeur s’étant accrue d’une manière correspondante, déterminera la fusion de l’alliage : la chaudière se trouvera ainsi ouverte et offrira à la vapeur une libre issue.

Fondées sur des faits physiques d’une exactitude rigoureuse, les rondelles fusibles semblent offrir un moyen certain de prévenir l’explosion des chaudières. L’expérience a prouvé cependant qu’elles atteignent rarement le but proposé, et qu’elles présentent dans leur emploi de très-grands inconvénients. Comme l’alliage, avant de fondre et de couler, commence par se ramollir, il offre, à la limite de température qui avoisine son point de fusion, une résistance beaucoup moindre à l’effort de la vapeur, et il arrive souvent, par suite de ce fait, que la rondelle cède à la pression de la vapeur, lorsque cette vapeur est encore bien loin des limites prévues. On a obvié en partie à cet inconvénient en serrant la rondelle fusible entre deux toiles métalliques à mailles étroites, qui la maintiennent de manière à prévenir son affaissement.

Un autre inconvénient plus difficile à éviter, c’est que la rondelle fusible, quoique placée à la partie supérieure de la chaudière, finit par s’encroûter des dépôts qui proviennent de l’évaporation de l’eau. Ces dépôts s’attachent à sa surface, et la recouvrent d’une enveloppe terreuse qui retarde la transmission de la chaleur et l’empêche d’entrer en fusion au degré calculé.

Les rondelles fusibles présentent un dernier inconvénient, qui est de beaucoup le plus grave. Lorsque, la vapeur ayant dépassé dans la chaudière, ses limites normales, la plaque métallique est entrée en fusion, toute la vapeur qui se trouvait contenue dans la chaudière s’échappe aussitôt dans l’air. L’explosion, il est vrai, est ainsi prévenue ; mais la marche de la machine est du même coup arrêtée, puisque la chaudière est ouverte et cesse d’envoyer sa vapeur dans le cylindre. Il faut, de toute nécessité, remplacer la plaque fusible, remplir de nouveau la chaudière d’eau et la chauffer. Dans bien des cas, ce n’est pas sans de graves inconvénients que l’action de la machine peut