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et élèvent cette eau, par un tuyau O, dans un réservoir supérieur T. La machine décrite par Leupold était proposée en effet pour servir à l’élévation des eaux. Elle réalise complétement, comme on le voit, le principe de la machine à haute pression.

C’est donc à Leupold qu’il faut rapporter l’honneur de la découverte du principe théorique de la machine à haute pression. Contemporain de Papin, de Savery et de Newcomen, il avait eu l’occasion d’étudier leurs appareils, et il eut le mérite d’indiquer, dès l’apparition des premières machines de ce genre, un nouveau mode d’emploi de la vapeur qui devait plus tard jouer un si grand rôle dans l’industrie.

Leupold paraît avoir compris l’importance que devait acquérir plus tard la machine dont il propose l’usage. Après avoir décrit son second appareil, il ajoute :

« Cette machine peut être employée dans le même cas que la précédente… Tout peut être disposé de telle sorte que les robinets s’ouvrent et se ferment d’eux-mêmes, ce que j’omets entièrement à dessein, comme aussi la manière de remplacer l’eau dans la chaudière, parce qu’il ne s’agit ici que d’une esquisse, et qu’il faudrait une étude plus approfondie et des expériences. Je me suis proposé de faire un jour une expérience en grand et un essai, savoir : si l’on pourrait établir avantageusement de cette manière, une scierie dans une forêt où il y aurait assez de bois et d’eau. Mais comme le temps et l’occasion me manquent pour exécuter tout de suite cette machine, ainsi que d’autres expériences ou recherches coûteuses, j’ai l’espoir qu’il y aura peut-être des amateurs qui saisiront l’occasion que je leur offre pour faire quelques expériences à ce sujet[1]. »

Cependant le principe découvert par Leupold passa sans exciter l’attention. Perdus dans son volumineux recueil, ses projets de machines restèrent inaperçus. Ajoutons qu’il eût été bien difficile, à cette époque, de mettre en pratique les idées du physicien allemand, en raison de la nature du métal dont on faisait usage pour la construction des chaudières. La voûte des chaudières employées par Newcomen était ordinairement de plomb, et les parties inférieures de cuivre. La présence d’un métal aussi fusible et aussi peu résistant que le plomb, n’aurait pas permis de communiquer sans danger à la vapeur des tensions considérables.

Dans la série de ses recherches, James Watt ne manqua pas de reconnaître l’importance du rôle que pourraient jouer, dans l’emploi mécanique de la vapeur, les moyens proposés par Leupold. Le célèbre constructeur parle, dans un de ses brevets, de son projet de construire des machines dans lesquelles la vapeur serait chassée au dehors après avoir produit son effet ; cependant il n’exécuta jamais aucune machine fondée sur ce principe.

L’honneur d’avoir construit et répandu dans l’industrie les premières machines à haute pression revient à l’Américain Olivier Évans, homme doué d’un remarquable génie mécanique, et que ses compatriotes eurent le tort de longtemps méconnaître.

L’attention d’Olivier Évans fut dirigée pour la première fois, sur les effets de la vapeur par une sorte de jeu familier aux habitants de son pays. En Amérique, les enfants s’amusent, dit-on, à boucher avec une forte cheville la lumière d’un canon de fusil ; ils versent ensuite un peu d’eau dans le canon, et placent par-dessus une bourre fortement pressée. La culasse du canon étant exposée à l’action d’un feu de forge, la cheville finit par être chassée avec une violente détonation. On donne à ce jeu, qui n’est, comme on le voit, que l’expérience du marquis de Worcester, le nom de pétards de Noël. Le 2 décembre 1773, Olivier Évans, alors âgé de dix-huit ans et simple ouvrier charron à Philadelphie, fut témoin, dans une fête de village, des effets des pétards de Noël. Son esprit en était vivement frappé. Depuis ce moment il s’amusait souvent à placer dans sa forge, de vieux

  1. Von Feuer-Maschinen, cap. IX, § 201, p. 94.