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usage de ses facultés, vieillissait entouré des affections de sa famille, jouissant d’un repos noblement acquis pendant le cours de sa vie laborieuse, recevant avec un orgueil légitime les hommages que ses concitoyens rendaient à ses vertus et à son génie. Dans l’été de l’année 1819, quelques symptômes alarmants annoncèrent sa fin prochaine. Il ne se méprit pas à la nature de son mal, et dès ce moment il ne fut occupé que du soin de consoler ses amis. Il remerciait la Providence de tous les bienfaits versés sur ses longs jours. Il exprimait sa gratitude profonde pour les services qu’il lui avait été donné de rendre à sa patrie, pour la sérénité et le calme qui avaient embelli le doux soir de sa vie. Le noble vieillard s’éteignit le 25 août 1819.

Watt fut enterré dans l’église paroissiale de Heathfield. Son fils, M. James Watt, fit ériger sur sa tombe un monument gothique au centre duquel s’élève une statue de marbre due au ciseau de Chantrey. Une seconde statue du même artiste a été placée par M. Watt fils, dans l’une des salles de l’université célèbre qui protégea l’illustre mécanicien aux jours difficiles de sa jeunesse.

Mais le peuple anglais sait trop dignement glorifier ses morts illustres pour avoir laissé à la piété filiale le soin d’honorer seule la mémoire de ce grand citoyen. Une statue de bronze, dressée sur un piédestal de granit, a été élevée à Watt sur l’une des places de Glascow. En outre, les habitants de Greenock, sa ville natale, ont placé, à leurs frais, une statue de marbre dans la bibliothèque de la ville.

La haute reconnaissance de la nation ne devait pas s’en tenir au tribut isolé des compatriotes de Watt. L’abbaye de Westminster possède aujourd’hui un monument digne de son génie.

L’inauguration du monument de Westminster eut lieu dans une séance solennelle, au milieu d’une réunion des plus imposantes, où se trouvaient un grand nombre de pairs d’Angleterre et les membres les plus éminents de la chambre des communes, sous la présidence du premier ministre, lord Liverpool. Ce monument consiste en une admirable statue de marbre, l’un des plus beaux ouvrages de Chantrey, qui reproduit avec une fidélité remarquable la physionomie calme et méditative du grand inventeur ; les ornements et les emblèmes qui le décorent sont du plus majestueux effet. L’Angleterre a voulu, par ce magnifique hommage, consacrer dignement la gloire de l’un des plus grands hommes qu’elle ait produits.

Mais que peuvent pour de tels génies ces somptueux témoignages de l’admiration du monde ? Ni l’airain ni le marbre ne sont nécessaires pour consacrer leur mémoire. Les services que Watt a rendus à sa patrie, à l’Europe, à l’humanité tout entière, suffisent pour perpétuer son nom. La machine qu’il a créée a été l’origine du bien-être général dont jouit la société moderne. Multipliant dans une proportion extraordinaire la somme du travail public, elle a couvert le sol des nations libérales de ces milliers de travailleurs, dociles autant qu’infatigables, qui dorment à nos pieds sous la forme d’un bloc de charbon, et qui, sur un geste, sur un signe de nous, s’éveillent pour nous offrir leurs bras de fer et leurs muscles d’acier. C’est par le secours de ces légions paisibles que des améliorations incalculables ont été introduites en quelques années dans le sort et les conditions d’existence des classes pauvres. Les produits du luxe utile mis à la disposition de tous, l’existence rendue plus douce et plus facile, la vie intellectuelle agrandie dans tous les esprits ; tels sont les immortels résultats des travaux de James Watt. Les bienfaits que son génie a versés sur le monde, voilà la véritable, voilà l’impérissable statue qui perpétuera sa mémoire, et qui fera vivre à jamais son nom dans le cœur des générations présentes et de la postérité.