Page:Fierens-Gevaert - Van Dyck, Laurens.djvu/94

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
88
VAN DYCK.

portait le titre de principal peintre ordinaire de Leurs Majestés, était créé chevalier, possédait une résidence royale à Blackfriars, se voyait, au bout de quelques mois, adulé, comblé de faveurs, traité d’égal par les seigneurs d’une des cours les plus cultivées et les plus fastueuses d’Europe.

Si l’Angleterre ignorait presque totalement la peinture, elle n’en était pas moins à cette époque un actif foyer de beauté et de pensée. L’âge d’or de la littérature anglaise cessait à peine. Le génie de Shakespeare, Bacon, Beaumont, Flechter, Marlowe, Johnson nourrissait encore l’âme de la nation. Peut-être même ces illustres disparus de la veille étaient-ils appréciés avec plus de profondeur et de calme que sous le règne peu contemplatif d’Elisabeth. Autour de Charles Ier, lettré plein de goût, autocrate rêveur, des grands seigneurs, des ministres : Buckingham, Thomas d’Arundel, Endymion Porter, Kenelm Digby soutenaient l’art avec une inlassable générosité. Faut-il s’étonner de l’empressement, de l’amitié que tous ces hommes de haut goût témoignèrent à Van Dyck ? Le triple prestige de l’art, de la beauté, d’une noblesse naturelle revêtait cet Anversois de trente-trois ans d’une séduction victorieuse. Voyez la superbe toile (musée de Madrid) où il s’est représenté lui-même aux côtés de sir Endymion Porter, devenu son ami intime. Tout de suite, à voir le visage fin, le sourire subtil, la toilette sobre du peintre contrastant avec l’allure plus massive du ministre, on surprend le secret de cet ascen-