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VAN DYCK.

sa propre race ! Au style romain il allait donc pouvoir associer légitimement les splendeurs du coloris ! À la vertu intellectuelle des lignes, il ajouterait l’élégance sensuelle des plans, l’accord voluptueux des ors éteints, l’expressive et troublante délicatesse du clair-obscur, la somptuosité captivante des vêtements précieux — tout cet enchantement, toute cette féerie de la couleur que les mystiques brugeois avaient entrevue et dont Giorgione, le Titien, le Corrège, Paul Véronèse, le Tintoret étaient devenus les harmonieux magiciens ! Rubens, avec ivresse, conquit ce domaine merveilleux et nouveau. Éclairée par son génie, l’école anversoise perpétua la manière de Venise ; elle continua avec autant d’éclat que les maîtres vénitiens cette inoubliable fête des couleurs. Elle la continua même avec plus de brio, plus de grandeur soutenue. Et je n’oserais point ici, me sentant enclin à des préférences partiales, émettre cette opinion, si un jour, à Venise, dans la douceur illuminée d’un soleil couchant, le plus coloriste des peintres d’aujourd’hui, M. Albert Besnard, en me parlant des décorations du Palais des Doges, de San Rocco et des chefs-d’œuvre de l’Académie, n’avait rappelé la création géante de la pléiade anversoise pour exprimer, avec la plus réfléchie des convictions, sa croyance en la supériorité de ces Flamands insignes.

Ce que Van Dyck dut à son tour aux Vénitiens, nous n’aurons point de peine à le démêler. La ville de Saint-Marc sacra, en quelque sorte, sa vocation. Comme portraitiste, Van Dyck est le véritable héritier des Vénitiens. Il