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VAN DYCK.

ne pensaient pas que le génie est engendré par le désordre.

Van Dyck ne passe pas pour un saint ; mais c’est la légende qui lui a fait une mauvaise réputation. Rien ne nous autorise à croire qu’il ne bénéficia point de l’atmosphère d’honnêteté répandue dans l’atelier de Rubens et dans la société artistique d’Anvers. Avec des mots indignés, Houbraken et Descamps racontent que Van Dyck osa lever les yeux sur la femme de l’incomparable maître en qui il trouvait un père. Rubens, disent-ils, avait offert sa fille en mariage au jeune artiste qui l’aurait refusée parce qu’il aimait la mère, Isabelle Brandt. Carpenter n’a pas eu de peine à montrer l’absurdité de cette calomnie : Rubens n’eut point de fille de sa première femme Isabelle.

Il est vrai que le jeune peintre était très beau, très élégant, d’une distinction suprême. Les portraits de Van Dyck jeune (collection du duc de Grafton, National Gallery, pinacothèque de Munich, et surtout celui de l’Ermitage reproduit dans ce travail) font penser à Chérubin, à Musset jeune, ou mieux à quelque gracieux seigneur shakespearien : Laërte, Cassio, Benedict, Mercutio, figures en qui tout est charme, dont toutes les paroles sont dorées, dont chaque geste crée de la beauté. Cette séduction physique n’explique-t-elle pas l’origine de bien des récits perfides ? Et n’est-ce pas simplement cette beauté qui trouble le jugement de Descamps quand il prête à l’artiste, en termes élégamment surannés, « ce penchant pour l’amour » que tous les critiques et historiens