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LES PRIMITIFS FLAMANDS

On ne sait où, ni à quelle date exactement mourut Jean Mabuse. Il écrivit un testament en t533 et l'on croit qu'il n'était plus en i535. Il avait épousé Marguerite de Molenaer dont il eut deux enfants : Pierre et Gertrude. Cette dernière devint la femme du peintre Henri van der Heyden de Louvain. Pierre Gossart fut peintre aussi et est signalé en i554 comme doyen de la Gilde de Middelbourg. I! était encore mineur quand son père mourut ; n'est-ce pas lui qui serait l'auteur des incar- tades que van Mander et les autres annalistes de notre vieille peinture mettent si généreusement au compte du peintre de Philippe et d'Adolphe de Bourgogne? La tentation est forte aussi — peut-être la critique s'y abandonne-t-elle trop facilement aujourd'hui — de voir dans ce fils l'auteur de beaucoup d'oeuvres secondaires repro- duisant les sujets et imitant la manière de Jean Mabuse Mais, après tout, le père peut bien avoir eu ses faiblesses, — et comme peintre et comme homme. Ses succès dans les milieux princiers, la nouveauté de son genre offraient d'ailleurs belle matière aux commentaires envieux. En ces temps anciens les novateurs étaient les favoris des princes; mais la jalousie ne renonçait pas à les poursuivre dans les Cours. On com- prend que l'art de Mabuse, détaché de tout mysticisme, accueillant aux histoires mythologiques, imprégné exclusivement de l'esprit du siècle, ait un peu troublé les habitudes et les visions de nos milieux artistiques et bourgeois. L'homme, aux yeux de la masse, ne pouvait être qu'un frivole. Mais nous ne jugeons que l'artiste; reconnaissons donc qu'il devait se sentir un fier courage et une maîtrise accomplie pour suivre aussi résolument la voie de l'art nouveau, pour être, dans nos régions, le héraut de l'art moderne. Il garda dans ce rôle une distinction trop rare chez nos peintres, et une grâce de poète détaché des réalités et se complaisant dans des visions pleines de l'esprit contemporain. Avec un souci du grand style linéaire et une force plastique oii nous pouvons voir la marque de son origine uiallonne, il combinait ses souvenirs de voyage, son amour des palais italiens, ses vagues connais- sances des légendes antiques, et mettait une telle volonté parfois à préciser son rêve sous une forme parfaite que, tout italianisant qu'il soit, nous le devons ranger parmi les fils incontestables de nos plus grands peintres du XV' siècle.