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LES PRIMITIFS FLAHANM X|J

La gloire de Mabuse a presque retrouvé aujourd'hui son éclat passé, grâce aux émincntes qualités de portraitiste qu'atteste une série de chef-d'œuvres dispersés dans les musées d'Europe et dans les collections particulières. Tout en ne renonçant point aux scrupules techniques de nos peintres du XV siècle, Gossart s'y manifeste disciple de Léonard et de Raphaël, — surtout de Léonard. La Belgique possède assez de beaux portraits de Mabuse pour en fournir la preuve. Le Musée de Bruxelles en a deux : un Gentilhomme tenant une bourse de cuir et un Chevalier de la Toison d'or sur fond noir (Fig. CLVIII) ; à première vue et malgré le caractère germanique et • holbeincsque » des physionomies, l'enseignement du Vinci s'affirme. L'impression est moins nette devant le beau portrait de ce Jan van Eeden (daté de i5z5, Musée d'Anvers) qui, dans une inscription flamande, se glorifie d'avoir vu la ville où Dieu voulut mourir « daer Godl wou sterven » (i) (Fig. CLIX). Toque noire, pourpoint noir, chemisette blanche, chaîne d'or, tête bistrée, — c'est toute l'œuvre et les nuances seules nous ren- seignent à quel point l'art de Mabuse est instruit par le génie lombard. M. Ch -L. Cardon. qui s'est toujours montre très épris du début de notre XVI* siècle, a composé pour son Ysabelle d'Autriche une suite de deux personnages à grande allure qui posèrent sans doute devant le peintre de Philippe de Bourgogne. C'est d'abord l'énergique Gentilhomme à l'œillel, en manteau noir et justaucorps de cuir à crevés, d'un modelé nerveux à la Bollraffio (Fig. CLX). C'est ensuite le très merveilleux portrait du Gentilhomme aux belles mains, au visage très germanique, aux mains vives, fines, • botticelliennes » (Fig. CLXl). Un vêtement somptueux l'habille : manteau de fourrure, pourpoint brodé, double chaîne d'or. Sur sa toque noire, un écusson porte cette devise : • Qui trop embrasse en vain s'embarrasse ». Détail à noter : les accessoires — broderies, bijoux — sont dorés au métal et gravés dans la pâte ; le même procédé a été employé dans les Ambassadeurs de Holbein (?) à la National Gallery. Au revers de notre Gentil- homme est une Lucrèce en grisaille, aux chairs fermes, ombrées avec une suavité inconnue jusqu'alors dans notre peinture. On lit au bas de celte figure la date i534. Ce chef-d'œuvre serait donc l'une des dernières productions de Gossart. Le maître, qui était allé très haut, comme on l'a vu, n'avait jamais peint d'oeuvre plus magistra- lement belle. Je m'étonne que cette perfection soit la raison donnée par quelque* critiques pour contester l'attribution à Gossart et proposer la personnalité pour ainsi dire purement nominale de Jehan Clouet.

(i) Acquis toul réctmment du biron v«n Hird«nbru«k (Ori*b«rgtn).