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LES PRIMITIFS FLAMANDS 211

Le 7 avril 1524, Jean Gossar» perdit son maître et protecteur, Philippe de Bour- gogne, évêque d'Utrecht. Le peintre et son ami Gérard de Nimègue firent graver une épitaphe à ce « patrono bene merito » auquel la ville d'Utrecht fit de pompeuses funérailles. Gossart avait certainement peint plusieurs effigies de ce maître regretté. Le Musée d'Amsterdam possède de notre peintre le portrait d'un chevalier de la Toison d'Or en qui l'on voit le célèbre bâtard, — avant son élévation à l'évêché d'Utrecht. Il en existe une réplique dans la collection Percy Maquoid. Une autre tradition d'ail- leurs veut que le modèle soit le comte Floris d'Egmont.

Philippe de Bourgogne mort, Gossart accepta les offres de celui qui avait rem- placé le grand seigneur dilettante au poste d'amiral de Zélande : Adolphe de Bour- gogne, seigneur de Beveren et de Zeeveren, marquis de Veere. Le peintre t'installa avec son nouveau protecteur à Middeibourg. Adolphe de Bourgogne menait une vie plus austère que l'évêque d'Utrecht et Mabuse, qui avait alors environ cinquante- cinq ans et que la disparition de Philippe avait dû frapper vivement, s'accommodait, peut-on croire, d'une existence plus retirée et toute de travail. Nos vieux chroniqueurs n'ont point fait de ces suppositions charitables. Mabuse, suivant eux, courait les tavernes, jouait, buvait, se livrait aux « extravagances d'un homme enyvré » (1). Ils ont inventé aussi la fameuse anecdote de la « robe de Mabuse ». Le peintre aurait perdu au jeu une magnifique robe en damas blanc, broché de fleurs d'or, qu'Adolphe de Bourgogne lui avait fait faire à l'occasion d'une visite de Charles-Quint. Le peintre, en une nuit, se serait fabriqué une robe de papier, avec des fleurs peintes à miracle, et l'empereur, en voyant défiler Gossart parmi les dignitaires, aurait dit au seigneur Adolphe : « Je savais nos fabriques de Flandres très riches, mais j'ignorais qu'elles pussent produire de telles merveilles! > On voit que dans les commérages calomnieux perçait la plus profonde admiration pour la technique du peintre.

Gossart n'avait point le temps de courir les tavernes et de perdre aux dés sa toilette de gala. Son atelier était fréquenté par des disciples qui devaient devenir des artistes de marque : le Liégeois Lambert Lombard notamment, à qui l'on est tenté d'attri- buer cette série de Madones que nous signalions plus haut en évoquant le nom de Marco da Oggione. Les portraits se multipliaient sous le pinceau du maître. Celui d'Adolphe de Bourgogne serait conservé au Musée de Berlin (2) en un panneau qu'agrémente la devise de Philippe le Bon : Aullre que vous (je n'aime). Gossart reproduisit aussi les traits de la femme d'Adolphe de Bourgogne, Anna de Berghcs

(1) T$aac Butlarl. Bruxcllu, t68>, ciU par M. GottAitT, p. 45

(1) Pour n. A'-J. Wauti». Cf. Jean Sostarl tl Adelphe de Beurgegn*, Bninlla, 190}.