2,o8 LES PRIMITIFS FLAMANDS
A PLVS : SERA : Phe. bourgne. Le Neptune rappelle l'Adam d'une gravure de Durer et l'Amphitrite une figure de J. da Barbari. C'est la plus ancienne des œuvres datées de Gossart. On croit qu'il peignit vers le même temps l'Ecce Homo du Musée d'Anvers, signé lONNES MALBODIVS INVENT, et dont il existe des répliques au Musée de Gand (médiocre, datée iSzô), à Brunswick (même date), dans la collection Guillain à Maubeuge et dans la galerie Clavé à Cologne (i). La version d'Anvers serait la plus ancienne ; elle est la plus remarquable. (Fig. CLV). Le Christ nu est attaché au pilori et trois personnages se moquent de lui : une femme de type populacier, un prêtre à barbe rousse et haute coiffure et un homme nu-tête. Avec son profil d'oiseau de proie, sa lèvre supérieure écourtée, son crâne dégarni et bosselé, ce dernier appartient à la race des vieillards caricaturaux (Israélites?) que nous avons présentés en parlant de VHérode de Quentin Metsys, que Blés surtout répandit dans son œuvre, et dont les modèles furent sans doute engendrés par le génie du Vinci. Quant au Christ, si sa physionomie est impersonnelle, il est peint avec un tel moelleux, une telle morbidezza, une telle perfection dans le détail des mains et des chairs ombrées, qu'il respire par là même une sensibilité supérieure et que l'on songe aux figures alanguies et raffinées du Sodoma.
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En t5i7, Philippe de Bourgogne, âgé de cinquante-deux ans, fut élu évêque d'Utrecht par les conseillers de Charles-Quint. Gossart le suivit dans son diocèse et s'occupa de décorer le château de Duerstede où résidait le prince-évêque. Nous ne savons rien de la vie du peintre jusqu'en iSzS. Il connut sans doute Jan Schoorel, à Utrecht. Descamps raconte, — mais que ne raconte pas Descamps? — que Schoorel, encore jeune alors, fut tellement indigné des « débauches », du « liberti- nage », de « l'humeur dissolue » de Gossart que, malgré son vif désir de travailler sous sa direction, il le quitta pour se rendre à Spier. Van Mander, le premier, accueillit des racontars calomnieux sur Gossart; les chroniqueurs qui l'ont suivi ont brodé sur le thème. Ces peintres-historiens n'étaient pas toujours pourvus d'une âme évangélique et n'épargnaient guère leurs confrères illustres. A l'époque même où Gossart aurait commencé ces soi-disant débauches, il peignait l'une de ses œuvres les plus attentives et les plus fortes : le diptyque de Jehan Carondelct, chancelier de
(i) El très sûrement ailleurs. Une assez grande réplique, remuntanl au XVI" siècle, (ut présentée dans le courant de 1909 à h Commission directrice des musiis royaux de Belgique. Au Musée des Hospice» civils de Bruges, il existe un petit Cbritl au roseau inspiré du prototype d'Anvers.