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LES PRIMITIFS FLAMANDS 205

Le 26 octobre i5o8 « partit de Malines un brillant cortège que composaient, avec des suites éclatantes, Philippe de Bourgogne et Jean Gossart, Jacques de Barbary et Gérard de Nimègue, le cardinal de Sainte-Croix, le pronotaire de Melun, le prévôt de Nantes et l'archidiacre de Campine, envoyés par Maximilien en mission diplomatique auprès du pape Jules II » (t).

Le voyage avait plusieurs objets dont le principal est resté secret. Les réceptions à Vérone, Florence, Rome furent merveilleuses. Le bâtard de Bourgogne méritait d'être traité de pair par les Mécènes italiens. Il avait leur culture et leur goût, connaissait la peinture et l'orfèvrerie pour les avoir pratiquées, discutait bases, colonnes, couron- nements, en architecte versé dans la science vitruvienne, et dissertait aussi bien que quiconque de fontaines et d'aqueducs. C'était un prince accompli de la Haute Renais- sance. Jules II s'en éprit, lui offrit des toiles de grande valeur et des marbres antiques ; mais Philippe n'accepta que deux statues, celles de Jules César et d'Adrien. Et Gérard de Nimègue, qui nous fournit ces détails, ajoute : « Rien ne lui plaisait tant à Rome que de contempler ces monuments de l'antiquité qu'il faisait peindre par l'éminent artiste du nom de Jean Gossart de Maubeuge, — quœ per clarissimum piclorem Joannem Gossardum Malbodium depingenda sibi curavit » (2).

Ce voyage de Philippe de Bourgogne est une page importante et brillante de notre rénovation artistique des débuts du XVI* siècle On y voit comment les princes les plus intelligents précipitaient le mouvement. Un Jean Mabuse, piloté sans doute dans les ateliers italiens par son ami Jacopo da Barbari, éclairé quand il le voulait par les lumières de son prince et maître, était en admirable position pour étudier l'art italien qui atteignait ses sommets. Léonard de Vinci couronnait le quattrocento, et comme les gloires de Raphaël et de Michel-Ange étaient jeunes encore, le peintre de la Joconde résumait la peinture italienne, incarnait le génie moderne. Jean Mabuse s'exerça plus encore à conquérir le sfumato et le pastoso léonardesques qu'à connaître les archi- tectures antiques ; tels de ses portraits, sortant d'un fond d'émail sombre, pourraient se confondre avec ceux que peignirent les élèves milanais de Léonard- A Rome, Gossart put dessiner des monuments antiques ; il put s'emplir la mémoire des nus de Michel-Ange ; mais la prodigieuse et courte fortune artistique de la Rome moderne ne faisait que de commencer et les villes du nord et du centre de la péninsule pouvaient, mieux que la ville pontificale, renseigner notre peintre hennuyer sur l'art contemporain.

Le 22 juin 1609 Philippe et sa suite revinrent à Bruxelles. Peu après, le b&tard rendait compte de sa mission à Marguerite d Autriche, en séjour à La Haye; après

(1) GoitAUT, M., op. cit., p. »8.

(1) IllD., p. .So.