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LES PRIMITIFS FLAMANDS

sept ans. Destinée à une abbaye de Grammont, elle appartint successivement aux galeries des archiducs Albert et Isabelle, de Charles de Lorraine, des ducs d'Orléans ; elle est signée lENNI * GOSSART * OG * MABUS, comprend trente figures et garde dans son ensemble l'allure d'une œuvre du XV* siècle flamand. Pourtant la conception des architectures, le groupement des personnages, procèdent d'un idéal plus compliqué, d'une poésie nouvelle, imprévue, animée, si bien que l'œuvre peut passer pour le modèle inspirateur des nombreuses Adoration des Mages, attribuées à Blés ou à ses imitateurs. On peut encore citer comme étant vraisemblablement de la période pré- italienne du maître un Christ à Gelhsemani (du Musée de Berlin), une "Détresse de "Dieu, triptyque conservé dans l'église de Watervliet (i), près de Gand, et monogramme M. F. {Mabusius fecit ?), enfin un retable perdu, qui ornait 1 église de Middelbourg, œuvre considérable qu'un incendie allumé par la foudre détruisit en i568 et que Durer signale dans son journal de voyage. Le maître nurembergeois, venant de Damme, visita en effet la Zélande en iSii et admira le tableau, « eine grosse Tafel » de Johann de Abus, dont la composition le satisfit moins que la peinture. Certains pensent que ce retable servit de modèle à une tapisserie du Musée des Arts décoratifs de Bruxelles, figurant la Descente de croix et dessinée probablement par un maître Philippe, — son nom Philiep est tissé dans le chaperon d'un des personnages — lequel maître était l'interprète habituel d'un artiste encore peu connu, Jean van Roome dit Jean de Bruxelles. Celte tapisserie emprunte un motif au Pcrugin, ce qui entraînerait à croire, au cas où on maintiendrait le rapprochement avec le retable de Middelbourg, que cette dernière œuvre fut exécutée après le retour d'Italie. Mais il n'est pas du tout certain que la « grosze Tafel » de Johann de Abus représentait une Descente de Croix ! La question est d'une obscurité d'autant plus complète que les carrières de maître Philippe et de Jean de Roome sont loin d'être tirées au clair (2).

On a vu également dans les portraits de Philippe le Beau et de Jeanne la Folle, qui sont au Musée de Bruxelles, des œuvres de la « première manière » de Gossart. D'une assez belle allure décorative, ils n'étaient pas de nature cependant à classer leur auteur en tête des maîtres néerlandais. Nous aurons l'occasion de reparler de ces figures, dans les lignes que nous consacrons plus loin à Jacob van Laethem (ch. XXVII).

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(1) Œuvre malheureusement très détériorée.

(i) Cf. J. Destrée. Maître Philippe, auteur de cartons de tapisseries- Bruxelles 1904; Chronique des Xtts, 1905, p. 6, et A.-J. Wauters. Jean ean 'Roome dit de 'Bruxelles, peintre de Marguerite d'Autriche. Bruxelles, 1904.