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XgÔ LES PRIMITIFS FLAMANDS

esthétique et, à cet égard, il est juste de dire que VEnsevelissement « ne ressemble à rien de ce qui l'a précédé ». Mais tout de même, dans celte vivante condensa- tion de vertus traditionnelles et de forces nouvelles, le sentiment de nos vieilles races s'affirme avec force et c'est, en somme, une clarté mystique toute pareille qui illumine le génie d'un Roger van der Weyden et d'un Quentin Metsys. Le souffle moderne donne à Metsys l'audace d'aborder de vastes compositions où les figures " sont le contenu tout entier du tableau ». Mais c'est un vieux flamand qui raconte la douleur de tous ces êtres qui sanglotent vraiment, et qui ont ému le peintre lui-même avant de nous émouvoir... La Décollation de saint Jean-'Baptiste (volet de droite) (Fig. CXLIX) est, comme je le disais plus haut, une petite scène exquise et très luxueuse de notre première renaissance avec son échanson luinesque au premier plan, ses personnages somptueusement vêtus au centre de la scène, sa tribune de marbre où se tiennent des ménestrels et des sonneurs de bazuinen, et son médaillon médicéen suspendu à la muraille, derrière Hérode. Celui-ci, vaguement mais splendidement habillé à l'orien- tale, fait penser à quelque apôtre léonardesque, aux traits hébraïques (i). Avec sa lèvre supérieure très courte, son nez recourbé, il est le père, semble-t-il, d'une innom- brable série de figures qui se multiplient dans les tableaux attribués à Biesius. Sous les traits d'Hérodiade reparaît l'une des saintes Femmes de la partie centrale qui deviendra d'ailleurs la célèbre Madeleine du Kaiser Friedrich Muséum. Quant aux musiciens de la tribune, ce sont d'amusants et pittoresques types populaires, de ces joyeux drilles flamands que van der Goes avait transformés en bergers extasiés et que Metsys s'amusa à montrer, toute gaieté dehors. Le volet gauche représente saint Jean l'évangéliste dans l'huile bouillante (Fig. CL); quelques-uns des assistants exhibent de bonnes trognes de soudards et de truands, tels que Jérôme Bosch les aima et qui se perpétuèrent chez Bruegel l'ancien, van Hemessen le pseudo Blés, etc. La connaissance des caricatures de Léonard de Vinci apparaît ici comme dans certaines œuvres de Bosch. Ce mélange de réalisme populaire et de caractère irréel dans les physionomies est à signaler aussi dans une Adoration des Mages de la collection Kann de Paris que le maître doit avoir exécutée vers i5io; toute la figuration des Adorations du pseudo Blés y est déjà fixée et le personnage, dont le nez aquilin rejoint la bouche tant la lèvre supérieure est courte, se démène au troisième plan, yeux plissés, dextre levée, cheveux frisés. En ses formes les plus réalistes l'art de Metsys fait appel à des conventions, mais qui préci- sent et accentuent le caractère.

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(i) Cette ressemblance nous paraît autrement accentuée que l'identité que M. von Wurzbach voudrait établir entre Hérode et le Charlemagne du tableau du Palais de Justice de Paris.