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LES PRIMITIFS FLAMANDS 3 1 I

donné cours à cette imagination septentrionale que Bosch et Bruegel incarnèrent avec génie et que tout le classicisme du XVI* siècle ne réussit pas à étouffer, même chez Franz Floris, comme l'atteste la vigoureuse Chute des Anges rebelles, page mouvementée de VJncomparable que conserve le Musée d'Anvers.

Bruges a gardé de son « dernier peintre » quelques œuvres très caractéristiques et grâce auxquelles le talent de Fourbus nous est fort bien connu. Les plus anciennes sont deux admirables portraits : Jean Fernaguut et sa femme Advienne de Buuck et un Jugement dernier. Les trois œuvres sont conservées au Musée de Bruges et datées de i55i. Les portraits sont des documents où se lit à merveille le caractère de la race brugeoise au XVI' siècle. Fernaguut a vingt-neuf ans, sa femme dix-neuf (Fig. CCXXII et CCXXIII). Ils nous regardent avec placidité ; ils ont conservé le calme, l'énergie intérieure, l'âme robuste de leurs ancêtres brugeois peints par les maîtres du XV* siècle. Leur teint est plus pâle; les linéaments sont moins vigoureux. Le dessin de Fourbus a traduit les lignes du visage avec des inflexions infiniment subtiles sans que la fermeté de son modelé en ait souffert et ce couple patricien de la Bruges décadente semble peint par un portraitiste aristocratique de la cour de Fontainebleau. La technique de ces frap- pantes images vaut qu'on s'y arrête un instant. La couleur est lisse et l'on sent que l'artiste a travaillé constamment « dans le mouillé ». De nos jours les couleurs sèchent tout de suite et le lendemain le peintre éprouve toujours quelque peine à reprendre le travail au point où il l'abandonna la veille. L'empirisme des maîtres du XV* et du XVI* siècle connaissait des raffinements que nos méthodes ignorent. — Le Jugement dernier (Fig. CCXXIV) n'est pas d'un coloris très agréable, mais le dessin des contours, les modelés des corps nus trahissent une science peu commune. La couleur posée par couches légères laisse apparaître par endroits le dessin de la préparation ; la technique de Fourbus est toute traditionnelle et les ombres sont encore indiquées au moyen de hachures. Mais si l'esprit septentrional est sensible dans la facture et la conception générale, les nus féminins, les têtes aux élégances empruntées, les anatomies académiques rangent le peintre parmi les romanistes décidés. Son italianisme, toutefois, a des accents primaticiens ; on le dirait né à Fontainebleau.

La belle Vierge des Sept Douleurs de l'église Saint-Jacques (signée) est de l'année i556 (Fig. CCXXV). Vêtue d'un grand manteau bleu détérioré par le temps, se détachant d'un fond d'architecture brune, la Madone ne manque ni d'expression, ni de finesse (ses mains sont fort grandes). Dans les petits médaillons qui l'entourent appa- raissent bien des réminiscences de l'ancienne école brugeoise et la J^ise au tombeau seule est d'un classicisme parfait. Les donateurs (d'une part Josse van Belle et ses quatre fils, de l'autre sa femme Catherine Ylaert) sont dignes du portraitiste des Fernaguut, — surtout