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LES PRIMITIFS FLAMANDS

certaines natures mortes. Un grand nombre de musées possèdent des œuvres de Joachim Benkelaer. Citons à Dresde : les Quatre Évangélistes (1567); à Amsterdam : une Servante (avec Jésus chez Marthe et Marie dans le fond, 1 566) ; aux Offices : un Christ insulté par la foule (i566, cité par van Mander); à Munich, : un Marché (i56i); à Nuremberg : un Ecce Homo (t566); à Stockholm : trois Marchés aux légumes, un de l'année i56i, deux de l'année 1670, et un Marché aux poissons de 1670 également; à Saint-Pétersbourg : un Christ bénissant l'agneau (1575); à Schlcisheim : un Marché aux poissons (i568), à Vienne : un Marchand de victuailles (1567) etc. En dehors de ses journées mercenaires, Beukelaer travaillait abondamment pour son compte.

Il est représenté au Musée de Bruxelles par trois grands tableaux : un Marché aux volailles monogramme et daté de 1564, une Scène de cuisine (avec Marthe et Marie dans le fond) datée i565, et un Enfant prodigue monogramme (fig. CCXVIl). Dans ce dernier tableau les figures se détachent sur un fond sombre et l'on surprend dans cette œuvre je ne sais quelle lointaine ressemblance avec les compositions champêtres de certains véni- tiens. Mais le petit paysage de droite a beau prendre des allures italiennes, la scène est bien de chez nous, et c'est un curieux tableau de genre par l'exactitude des costumes, les gestes des personnages, la beauté de la nature morte. L'œuvre est moins cari- caturale et moins fantaisiste que celle de van Hemessen ; Beukelaer nous laisse un récit plus vrai des plaisirs galants de son siècle. Les deux autres tableaux du Musée de Bruxelles sont d'une ordonnance plus conventionnelle et les sujets n'y sont vraiment qu'un prétexte à peindre des volailles, des légumes et des quartiers de viande. — Le Musée d'Anvers possède un excellent tableau de Joachim repré- sentant un Marché aux poissons, œuvre bien aérée, moins archaïque de coloris et de dessin que VEnfant prodigue. De jolies lumières y enveloppent les fraîches et belles bourgeoises et les marchandes de poissons ; un paysage très fin se développe derrière les halles et des tons rouge et jaune s'harmonisent subtilement dans les habits du poissonnier. Beukelaer a la même âme plébéienne que Peter Aertsen, — mais sensiblement affinée. Peut-être était-ce le prix de ses souffrances ? Au même musée est une Adoration des Bergers attribuée à Joachim (i) et qui est une œuvre singulièrement en avance sur son temps (fig. CCXVIII). C'est une composition bien ordonnée, où les groupes et les personnages allient de la manière la plus heureuse les éléments du style classique et les accents de l'art populaire. L'idéal du XVII' siècle se dessine nettement; il semble que le pauvre Beukelaer l'ait entrevu l'un des premiers.

(1) Jadis attribuée à Frans Florii. Le tableau est inono;^ramn*.é J. B.