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286 LES PRIMITIFS FLAMANDS

de (i). Parmi les quarante tableaux de maîtres anciens que possédait le peintre de la Descente de Croix, ne figuraient pas moins de quatorze Bruegel. La Kermesse du Louvre, ce quadrille «qui ressemble à une bataille», ne démontre-t-elle pas d'ailleurs que Rubens est un fils authentique de l'auteur de la Kermesse de saint Georges et de la Danse des Paysans ?

Cette descendance artistique du peintre des paysans s'est prolongée jusqu'à nos jours. « Bruegel, écrit M. van Baslelaer, avait produit dès le milieu du XVI* siècle des œuvres aussi grandement réalistes que celles de Millet et de Constantin Meunier au XIX* siècle. El Millet reconnaissait Bruegel comme maître et s'en inspirait : le peintre de Barbizon avait tenu à avoir sous les yeux, aux murs de son atelier, des estampes et des reproductions d'œuvres de son précurseur flamand. » Rien, en effet, ne ressemble plus au paysage de Vj^ngelus que l'ample solitude champêtre où se profile la haute figure du Misanthrope qui fait, avec la Parabole des Aveugles, la gloire de la pinacothèque napolitaine. On sait ce que Leys doit à Bruegel; le peintre de la Promenade hors des murs a possédé la réplique, à présent au Louvre, de la Parabole des Aveugles. Alfred Stevens n'admirait pas moins le grand maître brabançon ; regardez au Musée Moderne de Bruxelles l'Atelier du peintre ; vous verrez dans le fond la reproduction du "Dénombrement de Bethléem.

James Ensor, Eugène Laermans, procèdent eux aussi du vieux maître. Le peintre du Misanthrope a reconquis la place qui lui revient; elle est peut-être la première parmi nos artistes du XVP siècle; elle est l'une des premières dans l'école flamande. On aurait tort de ne voir dans ce peintre des paysans qu'un réaliste et un maître du folklore populaire. Je crains bien que telle pourtant soit la tendance de l'admi- ration que lui vouent les modernes. Il y a plus en Bruegel et nous avons indiqué en passant l'esprit de son art. Ajoutons que le maître ne peignait pas pour ceux qu'il représente dans ses œuvres, mais bien pour les personnages les plus raffinés de son temps, lesquels raffolaient des diableries, proverbes, scènes de genre, paysan- neries, sujets champêtres. Pour que le sens de ses compositions — traitées souvent déjà par des précurseurs tels que Bosch, Patinir, Rlès — fût plus vivant, le maître s'inspira largement de son temps, de son milieu, de la nature palriale- Cette humanité contemporaine et ces paysages de Flandre, il les a rendus avec des traits d'une vérité éternelle. Ce naturaliste choisissait, dramatisait, simplifiait, synthétisait ; ce réaliste était un grand poète. Ne négligeons point de le remarquer en recommandant l'école de Bruegel l'Ancien aux jeunes peintres.

(t) JèsutCbrisl remetlanl les clefs à saint Pierre. Œuvre peinte vers i6i3 pour le monument funéraire élevé par Jean Breughel de Velours à la mémoire de son père. Le tombeau renouvelé par David Teniers II existe encore. Le tableau de Rubens (ut vendu par les marguilliers en 176S, et est actuellement la propriété de M. Bacon, de New.-York. C'est une œuvre secondaire; elle (ut pritée aux organisateurs de l'Exposition d'art ancien à Bruxelles en 1910.