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2.80 LES PRIMITIFS FLAMANDS

1556-1557)- Ici, cpmmc dans la plupart des compositions gravées de ce temps, Bruegel donne une vue synoptique et encyclopédique des détails saillants du sujet. Il répartit habilement tous les plaisirs du jour entier : festin, danse, tir à l'arc, repré- sentation de mystère, combat du dragon et du saint, exercice de parade de la gilde de saint Georges, — sans compter les rixes qui, alors comme aujourd'hui, terminaient les festivités rustiques. « Laet die boeren haer kermis houden, — Permettez aux paysans de fêler leur kermesse, » dit une bannière pendue à la fenêtre de l'auberge. Et cette injonction est sans doute une réponse à une ordonnance de Charles-Quint réglementant « beuveries et yvrogneries es cabarets lors de dédicaces, fêtes et ker- messes. » L'observation populaire était devenue pour Bruegel une source inépuisable d'inspiration. Son Combat entre Carême et Carnaval (musée de Vienne iSSç) une peinture cette fois, opposant un cortège monacal à une foule joyeuse et trémoussante, ses Jeux d'enfants, autre tableau (id. t56o) où l'on voit toute une série de jeux « qui sont encore en usage aujourd'hui sans que nous nous doutions de leur ancienneté : le dada, le cerceau, les moulinets à vent sous diverses formes, saute-mouton, la culbute, les échasses, colin-maillard, etc. (i), » son estampe du Combat des Tire-Lires et des Coffre-forts qui pose... la question sociale avec une verve endiablée et toute boschienne encore, sont autant d'images concrètes et vivantes de ce que le folklore flamand a jamais offert de plus savoureux.

Les aspects comiques des paysanneries, proverbes et diableries du maître lui ont valu son nom de Drôle. Mais Bruegel n'est pas que drôle. Sous des appa- rences bouffonnes, une philosophie, une satire, une pensée se dissimulent. Parfois aussi le maître se laisse gagner par le pédantisme, — sans morgue d'ailleurs — des rhétoriciens anversois (estampes des Vices et des Vertus.) Enfin l'artiste va couronner sa carrière par un art singulièrement concentré, où son réalisme, simplifié et grave, s'anime souvent d'un souffle épique. En i563, Bruegel épouse Marie Coecke, fille de son maître, et s'installe à Bruxelles. C'est la période terminale et suprême qui commence- D'abord à travers des sujets fournis par la Bible et l'Evangile, puis dans des scènes de la vie contemporaine, le « Drôle » décrit avec lucidité les maux de son temps et manifeste un génie de peintre de plus en plus épris de synthèse et de style. Déjà sa Procession des épileptiques à Molenbeek Saint-Jean, dessinée immédiatement après son mariage, indique cette élévation dernière. « Le jour de la saint Jean 1564, notre amateur de spectacles populaires, — dit M. van Bastelaer, — n'avait pas manqué d'aller contempler aux portes de Bruxelles ce curieux spectacle d'un pèlerinage d'épileptiques qui se rendait à la vieille église. »

(1) G. Gluck, op. cit.. p. 18.