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270 LES PRIMITIFS FLAMANDS

Pour juger du talent de Jean Metsys, nous sommes moins dépourvus. Il avait sans doute conquis une réputation plus grande que celle de Corneille, car Van Mander, qui ne fait point mention de celui-ci, signale Jean en ces termes : « Quentin eut un fils, Jean Metsys, bon peintre et de la main duquel il y a, à Amsterdam, à l'Aiguière, un petit tableau de Changeurs qui comptent leur argent. Il y a de lui en outre, à Anvers, et ailleurs encore, un certain nombre d'œuvres (t) ». Jean Metsys est un maître à personnalité très caractérisée ; il peut même être considéré comme un précurseur de notre XVII"" siècle. On le sent impatient de se dégager des derniers liens gothiques ; sa prédilection pour les nus est sensible et c'est avec un grand charme et une élégance très rare dans notre école (cl où pour notre part nous croyons démêler une influence directe de l'école de Fontainebleau) que Jean Metsys peint les Bethsabées, les Vénus, les Suzannes. Sa couleur est pâle, anémiée et c'est ce qui éloigne en général les amateurs de sa peinture; mais, chose curieuse, Jean Metsys sous ce rapport semble plutôt victime de l'enseignement traditionnel; peut- ê tre est-ce à l'usage de la tempera (encore employée par son père) qu'il faut attribuer ses tonalités souvent blafardes. Pour tout le reste, — sujets, types, décors, etc. — Jean Metsys tient à se montrer de son temps et même à s'afficher un peu comme un ullra. Ses grâces primaticiennes disent assez jusqu'où va son italianisme. Le vent qui souffle sur les esprits l'exalte plus qu'un autre ; comme Reymersvwaele, autre disciple de son père, ses goûts de satiriste l'entraînent à l'hérésie. On peut lui supposer une existence sans cesse agitée par des rêveries morales et sociales très nuisibles au déve- loppement complet de ses rares facultés de peintre lyrique. Il mourut très misérable. Sa figure artistique mérite notre attention et c'est très injustement qu'elle est restée jusqu'à ce jour à l'arrière-plan des préoccupations de la critique.

Il naquit à Anvers en iSoç et y mourut en 1575 ou t58o. Reçu franc maître en t53i, il avait pour élève en i536 un certain Frans van Tuylt, parent sans doute de sa femme Anna van Tuylt. En 1537 nous rencontrons le premier tableau signé de Jean Metsys, un Saint Jérôme conservé au musée de Vienne. En 1643 un autre peintre, Frans de Witte, est signalé comme étant son élève. L'année suivante Jean Metsys est banni pour ses opinions religieuses et ce n'est, semble-t-il, qu'en l'année t558 qu'il put rentrer à Anvers. On ne sait où il passa cette longue période d'exil et nous ne possédons de lui aucun tableau daté pendant ces quatorze années. Son retour dans la ville natale réveilla probablement ses ardeurs artistiques car dès lors, et pendant une dizaine d'années, ses productions signées et datées se multiplient sans arrêt. Le petit tableau du musée d'Anvers l'Hospitalité refusée à la

(1) Hyhans, Le Livrta dtt Teinlra, t- i, p. i6i.