Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 2.djvu/166

Cette page n’a pas encore été corrigée

256 LES PRIMITIFS FLAMANDS

mélange d'ornemenls « renaissance » empruntés à l'art des orfèvres (d'où le nom plaie- resque du mot espagnol plateresco) et d'éléments pris au gothique flamboyant (particu" lièrement les choux frisés). Les architectes de Brou et en dernier lieu Corneille de Vriendt utilisèrent dans la construction proprement dite ces combinaisons décoratives que popularisèrent les étoffages des fonds de tableaux et sans doute aussi les arcs de triom- phe dressés dans les villes flamandes à l'occasion des Joyeuses Entrées princières et des fêtes fastueuses organisées par les Chambres de rhétorique.

Ce terme plaieresque rattacherait les oeuvres de ce style à l'art hispano-arabe. Or, on ne relèvera que de très légères traces d'influences espagnoles dans la cheminée du Franc : l'emploi du bois pour les statues, la multiplication des blasons. Il est vrai que les éléments purement italiens de la décoration : cartels, bases et colonnettes his- toriées, têtes en profil enfermées dans des guirlandes que portent des amours, ne jouent pas un rôle essentiel. Que faut-il en conclure ? Que Lancelot Blondeel, en choisissant à la fois dans la tradition et parmi les nouveautés, sut créer une œuvre personnelle. Le travail des statues pompeuses autant que celui du. précieux décor est admirable. Si la Cheminée du Franc prend trop de place dans la salle qu'elle orne, elle ne matérialise pas moins avec splendeur la haute passion artistique de nos populations à celte époque, et si elle s'évertue (avec succès d'ailleurs) à des corrections classiques — peu familières à notre génie, disent les gens à préjugés — elle ne compte pas moins parmi les chefs-d'œuvre qui mettent Bruges au premier rang des villes dart.

  • *

La peinture la plus ancienne qui nous soit parvenue de Lancelot Blondeel est le tableau conservé à l'église Saint-Jacques de Bruges : VHistoire des saints Cosme et Damien, exécuté en i523 pour la corporation des Chirurgiens-Barbiers de Bruges (Fig. CLXXXXII). L'œuvre est disposée en triptyque. Les figures des deux héros apparaissent sur les volets, habillés d'étoffes finement nuancées et dressant dans d'inextri- cables combinaisons architecturales leurs sveltes silhouettes de gentils damoiseaux. Au centre, dans un cadre non moins compliqué, le supplice des deux saints est représenté par des figurines plus petites. On suppose avec quelque raison que ce triptyque était pri- mitivement une bannière de procession. De là l'importance donnée par le peintre au décor architectonique. Ce dernier est tracé au vernis brun sur fond d'or (l). Nous pou- Ci) N'y a.-t.-il pas là une réminiscence des ornements dorés si en faveur chez les peintres espagnols de la (in du XV^ siècle 7