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LES PRIMITIFS FLAMANDS Xi5

jusqu alors dans noire peinture. Dans ses figures en raccourci, ses hommes perdant l'équilibre, ses personnages fuyant éperdus, van Orley cherche la difficulté et la résout souvent avec la science la plus sûre. Les fresques des Stanze — VHéliodore chassé du Temple, VIncendie du Bourg (peut-être aussi la Chute des Géants de Jules Romain à Mantoue) — l'ont guidé dans ses recherches de dynamisme pictural. Le volet de droite, {'Enlèvement des troupeaux de Job par les Sabéens (Fig. CLXXV) développe un magnifique paysage rocheux et bleuâtre, dans la manière léonardesque tandis que certains personnages font songer aux inventions de Verrocchio. L'autre vole! rassemble Job et ses amis (Fig. CLXXVI) devant un palais qui est contemporain de la Chartreuse de Pavie, tandis que les amis semblent conçus par un disciple de Luini. L'extérieur des volets représente, à gauche, Lazare à la porte du mauvais riche (CLXXV), — sous le charmant intérieur où van Orley, croit-on, figure en personne, sont des bas-reliefs qui transposent les Triomphes de Mantegna, — à droite la Mort du Méchant (Fig. CLXXVI) avec un damn^, largement modelé, inspiré des certaines anatomies peintes par Michel-Ange à la voûte de la Sixtine et qui se lord parmi des monstres et des démons boschiens.

Que de réminiscences, dira-t-on ? Et qui pourrait se réjouir de celte invasion étran- gère ? Elle était fatale, nous l'avons souvent dit. Le maître bruxellois l'a considérée sans effroi et sut mettre les éléments étrangers au service de sa verve et de ses dons personnels. Le retable s'unifie par un coloris bien flamand. Les tons restent entiers, comme à l'époque gothique. Le pinceau garde l'habitude d'analyser scrupuleusement les tètes. Les draperies s'élargissent, mais les modelés s'indiquent encore parfois au moyen de hachures. Dans la voûte centrale, où surgissent les démons, l'ombre s'accumule suivant une récente recette italienne; mais le goût du peintre incline vers les couleurs fortes et vives. L'art de transition qui relie le style « brugeois » du XV* siècle à l'esthétique anversoise du XVII' n'a pas produit d'ceuvre plus solide, plus sérieuse, plus animée, — et en résumé plus vraiment flamande que ces Epreuves de Job. Au fond, chez Quentin Metsys lui- même, la race ne s'exprime pas avec plus d'énergie, van Orley a écrit sa devise sur l'un des volets : Elck zynen tyd — chacun son temps. Il fut pleinement du sien et sans doute sentait-il qu'il eût fait médiocre figure dans l'histoire de l'art si, au lieu de s'assi- miler avec tant d'enthousiasme les nouveautés étrangères, il avait travaillé obstinément à l'impossible résurrection du style désormais révolu de nos grands primitifs du XV* siècle.

M. Friedlânder a remis au jour un excellent dessin à la plume avec rehauts blancs,

du Britisch Muséum, où van Orley inscrit sa première idée du Festin du Mauvais "Riche et nous renseigne pleinement sur ses rares mérites de dessinateur.