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centre une Entrée du Christ à Jérusalem ; l’œuvre périt, croit-on, dans les flammes en 1590. Dans la salle du Conseil des Dix à Venise, Zanetti note en 1733 le Martyre de sainte Julie et le Saint Jérôme avec deux saints, tous deux aujourd’hui à la galerie impériale de Vienne. Au palais Grimani, l’anonyme de Morelli signale : un Enfer, des Diableries, la Fortune, la Baleine engloutissant Jonas. On rencontrait des œuvres attribuées à Bosch dans les galeries des collectionneurs les plus illustres des Pays-Bas : chez Guillaume d’Orange, chez l’archiduc Ernest (trois tableaux dont une scène de genre identique au sujet représenté dans la célèbre Cure de la Folie du Prado), chez Rubens (une Tentation de saint Antoine et trois autres peintures), chez un certain chanoine Wauters (deux Tentations), chez Jean de Casembroot, seigneur de Backerzelle (la fameuse Adoration des Mages, confisquée par Philippe II et aujourd’hui au Prado).

La grande cliente de Bosch et de ses épigones, c’est l’Espagne, et le plus célèbre d’entre les admirateurs espagnols du maître fut don Felipe de Guevara « gentilhombre de boca » de Charles-Quint. Il écrivit une étude sur son peintre favori et acheta six tableaux du maître. Dans ses Commentarios, don Felipe a très finement dénoncé les imitateurs de Bosch. Ils prirent, dit-il « la décision de l’imiter, peignant des monstres et des horreurs imaginaires et ne craignant pas de laisser croire que ce plagiat était vraiment l’œuvre de Jérôme Bosch. Les peintures de ce genre deviennent innombrables, marquées de la signature contrefaite de J. Bosch. On alla jusqu’à en placer dans des cheminées pour les enfumer et leur donner un aspect ancien… Cependant il est juste de dire que parmi les imitateurs de Bosch, il en est un qui fut son disciple. Celui-ci par dévotion pour son maître et pour accréditer ses œuvres, inscrivit sur ses peintures le nom de Bosch et ne nota pas le sien propre. Bien que ce soient des imitations, ce sont néanmoins des peintures dignes d’attention, parce que dans ses inventions et moralités il a gardé la réserve de son maître ; il fut d’ailleurs plus diligent dans le travail et plus patient que Bosch, sans toutefois se départir du coloris de son maître. »[1] Peut-être la collection de don Felipe comptait-elle une ou deux productions de ce disciple.

Les six tableaux achetés par le « gentilhombre » étaient la Voiture de foin (aujourd’hui à l’Escurial), la Cure de la Folie (au Prado), la Marche des Aveugles, la Dame à la Mode de Flandre, un Aveugle chassant la Truie, la Sorcière. À la mort de don Felipe ces œuvres furent acquises par Philippe II qui envoya la Voiture de foin à l’Escurial avec quelques autres tableaux de Bosch, dont l’Adoration des

  1. Cité par Gossart, pp. 49 et 50.