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LES PRIMITIFS FLAMANDS

ininterrompue dans cette ville qu’il habite jusqu’à sa mort. Peut-être a-t-il visité l’Espagne ; son séjour y fut certainement très bref.

Si singulier ou si nouveau que dût paraître le génie de Jérôme Bosch aux habitants de Bois-le-Duc, ceux-ci firent au maître d’importantes commandes. Les bourgeois d’alors ne se scandalisaient pas d’un art original. En 1494, Bosch fournit aux verriers Hendrick Buebinck et Wilhem Lombard les cartons des vitraux destinés à la chapelle de la Confrérie de l’Illustre Lieve Vrouwe, chapelle ouverte sur le chœur de la cathédrale. Le maître décore ensuite l’autel de cette chapelle (bâti en 1508 par Jan Heyns) d’une peinture représentant Salomon honorant Bethsabée, tandis que pour le maître-autel de la cathédrale il peint des scènes de la Création avec des volets montrant les étapes de la Passion. Les gradins des stalles, tes fonts baptismaux avec leurs figurines de lépreux, de malades, d’estropiés, toute la décoration sculptée et l’on peut dire le mobilier de la cathédrale laissaient lire à chaque instant la pensée conductrice de Bosch. C’était l’époque où les grands artistes, quelque exceptionnelle, quelque inattendue que fût leur vision, dirigeaient toute la production décorative. De 1494 à 1502 Bosch fut, semble-t-il, occupé exclusivement à l’ornementation de la cathédrale. Un voyage en Espagne à cette époque n’est point vraisemblable. Outre la Création du Monde et le Salomon honorant Bethsabée, la cathédrale de Bois-le-Duc possédait encore du maître une Histoire d’Abigaïl (le sujet traité jadis par van der Goes), une Adoration des Rois, un Siège de Béthulie et un tableau montrant Mardochée et Esther. Ces œuvres ont disparu de Bois-le-Duc en 1619, croit-on, après la prise de la ville par Frédéric-Henry de Nassau, emportées sans doute par l’évêque Ophovius qui obtint de quitter la ville avec le mobilier et les œuvres d’art de l’église. Perdu également le Jugement Dernier de neuf pieds de haut et de onze pieds de large commandé à Jérôme Bosch par Philippe le Beau en 1504, année où ce prince fut proclamé à Bruxelles, roi de Castille et de Léon (les dimensions ne correspondent à aucun tableau attribué à Bosch). Perdue enfin la Crucifixion dont le maître dessina en 1512 la maquette qui lui fut payée XX sols par l’Illustre Lieve Vrouwe Broederschap

Les contrefacteurs de Bosch furent nombreux, et il est difficile, voire impossible, de déterminer parmi les œuvres que les chroniqueurs et annalistes, du XVIe au XVIIIe siècle, attribuèrent au maître, celles qui sont incontestablement originales. Au surplus, la plupart de ces tableaux ne sont connus que par leurs titres. Van Mander parle d’une Fuite en Égypte, d’un Christ délivrant les patriarches, d’un Portement de Croix, d’un Moine disputant avec des hérétiques et d’un Prodige. La cathédrale de Bonn possédait au XVIe siècle un polyptyque de Bosch représentant au