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LES PRIMITIFS FLAMANDS

l’indication de cette tendance « parénétique ». Francisco de los Santos voit dans les Délices Terrestres « une œuvre si moralisante qu’on devrait remplir la terre de ses copies. » Philippe II prisait très haut ces sermons grouillants de vie, et fit placer les Sept péchés capitaux dans la cellule où il voulait mourir. Bosch crée un art parallèle à celui des mystères. C’est un dramaturge moraliste qui secoue de la manière la plus rude l’âme terrifiée de ses contemporains. L’hérésie ne l’a point touché, mais il voit clair dans les turpitudes de son temps. Et comme rien ne ressemble plus aux vices d’une époque que ceux des époques suivantes, il est à peine nécessaire d’ajouter que la parole de ce prédicateur du XVIe siècle est restée très actuelle.

Les chroniqueurs espagnols l’appellent Geronimo Bosco, Bosque, del Bosco, Boss, Bosqui, Hieronymus Bosz ; Vasari lui donne le nom de Bos di Ertoghenbosc et Guicciardini, celui de Girolamo Bosco di Bolduc. Dans le registre de l’Illustre Lieve Vrouwe Broederschap de Bois-le-Duc on a découvert la mention « Hieronimus Aquen als Bosch. » Il conviendrait peut-être d’appeler l’artiste Hieronimus van Aken ou van Aquen. Mais ne vaut-il pas mieux s’en tenir à l’usage et lui conserver ce nom consacré de Jérôme Bosch, dérivé de son habituelle signature : Jheronimus Bosch ? Les critiques récents (Justi, Dollmayr, Gossart) le font naître vers 1450 et l’on est à peu près d’accord pour lui donner comme lieu de naissance Hertogenbosch (Bois-le-Duc) d’où il tira le nom sous lequel il s’est illustré. Toutefois, selon M. Justi, ce nom de Aquen indique une autre origine, et pour lui le maître est né à Aix-la-Chapelle (autrefois Aken ou Aecken, aujourd’hui Aachen). Quelques réminiscences du paysage qui entoure cette ville se remarquent dans le fond du Martyre de sainte Julie, tableau conservé à la galerie impériale de Vienne.

Très célèbre au XVIe et au XVIIe siècle, complaisamment cité et commenté par Vasari (1550), van Waernewyck (1566), van Mander (1604), et Sanderus (1641 et 1669), Jérôme Bosch a trouvé ses plus vifs admirateurs et peut-être ses meilleurs panégyristes en Espagne. De là, sans doute, l’opinion qui veut que Bosch ait « pris le goût de la diablerie dans un séjour qu’il fit à l’Escurial[1] ». Mais à partir d’une certaine date, les comptes de Bois-le-Duc mentionnent sa présence presque

  1. Orlandi. Abecedario, cité par M. Gossart, dans son Jheronimus Bosh, Lille, imprimerie centrale du Nord, 1907, p. 28.