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offrit huit lots de vin à maistre Roger de la Pasture, cadeau magnifique que reçurent des Jean van Eyck, des van der Goes, des Dürer, — et encore un Jean van Eyck, visitant Tournai sur l’invitation de la gilde des peintres, ne reçut-il que quatre lots ! Comment croire qu’on en eût baillé huit à l’apprenti Rogelet ?

Un autre texte a fait croire que Roger n’avait été admis à la maîtrise qu’en 1432. « Maistre Rogier de la Pasture, natif de Tournay, fut reçu à la francise du mestier des paintres le premier jour d’aoust l’an dessus dit » (1432)[1]. Cette mention se rapporterait bien à l’illustre artiste qui se fit sans doute inscrire à la franchise du métier des peintres tournaisiens pour pouvoir accepter les commandes de ses concitoyens. Il nous paraît certain qu’en 1432, Roger van der Weyden avait déjà conquis la maîtrise et une grande renommée. Quel fut son maître ? S’est-il rendu à Gand pour se former chez Hubert van Eyck ? Peut-être. A-t-il débuté dans la carrière artistique par la sculpture, comme on a essayé de le démontrer ? C’est peu probable, sans être impossible. En tout cas, avant l’année 1430 ses œuvres étaient recherchées à l’étranger. Le Retable de la Vierge dit le Triptyque de Miraflorès (Musée de Berlin) eut, en effet, pour premier propriétaire le pape Martin V, qui mourut en 1431. Nous sommes donc en présence d’une des plus anciennes productions de maître Roger[2].

L’œuvre est divisée en trois parties ; à droite la Nativité, au centre le Christ sur les genoux de sa mère, à gauche l’Apparition de Jésus à sa mère. Ces scènes sont disposées dans des arcs ornés de sculpture, — comme les trois parties d’un autre triptyque de Roger : le Retable de saint Jean, même musée, — ce qui confirmerait aux yeux de certains critiques l’hypothèse d’un lien entre la peinture de van der Weyden et l’école sculpturale de Tournai. On a mis en doute l’authenticité du Retable de la Vierge ; les ornements architecturaux manquent de caractère organique ; le problème de l’espace est traité d’une façon assez sommaire ; le coloris est métallique. En admettant que nous fussions devant une copie, il n’en resterait pas moins que l’original[3] figurait dans la galerie du pape Martin V et que Roger était célèbre avant 1431. Sans doute aussi avait-il déjà produit à cette date le Retable de saint Jean, également au Musée de Berlin, qui, comme le Retable de Marie, est divisé en trois

  1. Cf. Hocouet, op. cit. p. 7.
  2. Martin V offrit ce Retable de la Vierge au roi de Castille Juan II, qui le donna à la chartreuse de Miraflorès, près de Burgos, en 1445. La tradition ajoute que Charles-Quint l’emporta souvent en voyage, — ce qui se dit de plus d’une peinture du XVe siècle. Après la destruction du monastère par les Français, le tableau aurait appartenu successivement au général d’Armagnac, au marchand Nieuwenhuys, au roi de Hollande Guillaume II et enfin au Musée de Berlin.
  3. L’original du Retable de la Vierge, dit le Triptyque de Miraflorès serait en Espagne et les conservateurs du musée de Berlin auraient aujourd’hui la certitude qu’ils ne possèdent qu’une réplique.