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Platon peut-être avec le manteau blanc et la couronne de laurier, — puis ceux qui ont incarné avec le plus d’éclat l’inspiration chrétienne, — Dante, croit-on, avec son manteau bleu et sa branche de myrte, symbole des vertus de Béatrix. Mais il est impossible d’identifier les personnalités profanes qui figurent dans le chef-d’œuvre. Il faut nous contenter d’admirer les attitudes sobres, les têtes énergiques diversement vigoureuses et croyantes de ces personnages à qui l’on pourrait peut-être reprocher de former un groupe trop compact.

De l’autre côté de la « source d’eaux vivantes », les apôtres s’agenouillent au nombre de quatorze, car, suivant la tradition médiévale, saint Paul et saint Barnabe s’ajoutent aux Douze. Les grands manteaux, les barbes farouches, les teints sombres, les profils camus, les chevelures épaisses des compagnons du Maître s’opposent aux physionomies et aux vêtements des ecclésiastiques qui suivent : papes, évêques, diacres, abbés, prêtres magnifiques en leurs chapes et leurs dalmatiques rouge et or, leurs tiares et leurs mitres d’or, leurs croix et leurs crosses d’or, « leurs étoles lissées d’or, le tout emperlé, chargé de rubis, d’émeraudes, une étincelante bijouterie jouant sur cette pourpre ardente qu’est le rouge des van Eyck[1]. » Et parmi cette foule ecclésiastique, merveilleusement harnachée d’orfèvrerie, comme on eût dit au XVe siècle, où les vivants portraits abondent et dont les rangs sont peut-être aussi un peu pressés, on reconnaît à ses tenailles, instrument de son martyre, saint Liévin, apôtre de Belgique, martyrisé en 633.

Au troisième plan, au delà de l’autel, un bocage d’orangers, de vignes, de myrtes, de rosiers. D’un côté, sortent les Élus, ceux-là même que l’Apocalypse nous montre devant le trône de Dieu tenant des palmes à la main et qui sont ici vêtus de dalmatiques, de chapes, coiffés de tiares et de mitres. Une remarque à propos de leurs vêtements : en réalité, on ne distingue qu’une seule chasuble. La plupart des hauts dignitaires ecclésiastiques, si nombreux dans cette partie centrale, sont vêtus de la chape (capa, pluviale), qui, dans l’origine, n’était pas un ornement sacerdotal, mais était portée par les chantres, les laïcs et par le clergé dans les processions. Le grand nombre de chapes figurant dans le Retable de Gand est caractéristique et logique ; il ne s’agit point ici de la célébration d’un office, mais d’une cérémonie de fête, d’un vaste synode en plein air, où les personnifications vénérées de l’Église viennent s’incliner processionnellement devant l’Agneau.

De l’autre côté, à la suite de sainte Agnès, sainte Dorothée, sainte Barbe paraissent les chastes vierges couronnées de roses, habillées de teintes légères, bleu

  1. Fromentin, les Maîtres d’autrefois, 5o édition, p. 426.