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LES PRIMITIFS FLAMANDS l5|

de la nature inanimée et tendait à la synthèse de la figure vivante. Le bel ange du premier pian avec sa chape traditionnelle et cassurée à la façon des van Eyck n'est plus un portrait, c'est une figure idéale. Et si le manteau de saint Jean-Baptiste, comme celui de l'Ange, se plisse à l'ancienne manière, tes petits personnages du second plan, saint Jean-Baptiste prêchant et le Précurseur montrant le Christ à trois de ses disciples, sont vêtus de manteaux aux draperies classiques. Là du moins les traces de conlem- poranéité s'effacent entièrement. C'est signe que le peintre est gagne à une esthétique nouvelle.

L'intérieur du volet gauche (Fig. XCVl) montre d'un côté Jean des Trompes avec son fils Philippe, tous deux patronnés par saint Jean l'Évangéliste, exquise figure où se mélangent d'une façon presque ingénue la religiosité médiévale et les tendances vers la beauté absolue. On remarquera dans ce panneau deux petits personnages dont l'un est costumé comme le Scapin des comédies de Molière; c'est, à mon avis, une addition du xvii' siècle. Sur l'intérieur du volet de droite sont groupées la première femme de Jean des Trompes, Elisabeth van der Mersch, morte en i5o2, ses quatre filles et sainte Elisabeth. Et l'on peut, celte fois encore, citer Vitet : « Regardez les volets, votre admiration va peut-être s'accroître; vous n'y trouvez pourtant que de simples portraits; mais ces figures agenouillées sont disposées avec tant d'art dans un fond de paysage qui va se rattachant aux rives du Jourdain, elles encadrent si bien la scène principale en même temps que par leur ferveur elles y sont comme asso- ciées, ces jeunes filles ont des regards si limpides et si modestes, leur mère les recommande à Dieu de si bon cœur, le père est si loyal et le fils si honnête, ils sont tous à la fois si pleins de vie et si bien vus sous leur plus noble aspect, que cette simple scène de famille s'élève à la hauteur d'un poétique tableau.. » Vitet n'a point connu l'extérieur des volets (Fig. CXVIl). Ils représentent d'un côté la seconde femme de Jean des Trompes, Madeleine Cordier, qui mourut en iSoç. Elle est accom- pagnée de sa fille et de sa patronne, et le groupe est présenté dans un décor où de hautes baies cintrées disent la connaissance que le peintre avait de la nouvelle architecture italienne. Sur l'autre revers la Madone et l'Enfant Jésus. Nous savons par les textes d'archives que Gérard David était un homme fort pieux; mais pour être fixé à cet égard il suffit de voir les physionomies de ses donateurs, de leurs patrons et patronnes, de ses vierges au regard généralement baissé et qui n'ont plus le sourire un peu mondain des vierges de Memlinc. Elles restent toutefois infiniment gracieuses, les madones de maître Gheeraert, mais leur élégance est plus simple, moins soumise aux modes du jour que celle des vierges de maître Hans, et enfin il est fort rare que leur divin Enfant apparaisse complètement dévêtu.