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l5b LES PRIMITIFS FLAMANDS


Le retable de Jean des Trompes, autre chef-d'œuvre de la maturité (Fig. CXV, CXVI et CXVII), était tenu autrefois pour un Memlinc. Partageant cette croyance, Vitet préférait ce triptyque à toute la production du peintre de l'Hôpital. La description qu'il en donne est d'ailleurs parfaite : « Le sujet du panneau central est le divin baptême dans les eaux du Jourdain. Pas l'ombre de couleur locale, je n'ai pas besoin de le dire... La tête du Sauveur, son corps surtout, laissent à désirer. Le nu est toujours l'écueil de la peinture de ce temps, surtout dans les pays du Nord. Mais le saint Jean, quelle sublime figure! quelle sainte humilité! quelle austère com- ponction dans ces traits amaigris! quel regard soumis et prophétique! Puis vers le premier plan, voyez cet ange qui vous tourne le dos, à genoux sur le bord du fleuve, préparant le précieux tissu qui tout à l'heure, au sortir des eaux, va couvrir le corps du Sauveur... Et maintenant regardez les volets, votre admiration va peut- être s'accroître... » Et Vitet remarquant dans le paysage des mérites qu'il n'avait pu constater dans les tableaux de Memlinc, ajoute avec la plus entière raison : « Il n'y a pas 'jusqu'aux arbres, aux rochers, aux gazons qui ont aussi ce double caractère de vérité et de noblesse. Il faut recommander aux peintres de paysage l'étude de ces volets ; (que n'ajoute-t-il de la partie centrale?) ils ont tous des leçons à y prendre, aussi bien ceux qui veulent reproduire tous les accidents du feuillage et tombent dans la découpure, que ceux qui, barbouillant leurs arbres, font de la mousse au lieu de feuilles. Ils apprendront de ce vieux maître que pour tout rendre, il faut savoir choisir. Que manque-t-il à ces grands hêtres s'élevanl en bouquet dans cette gorge de rochers? Quel détail, quel brin d'herbe le peintre a-t-il oublié? Et cependant quelle harmonie! Le grand Ruysdael et Hobbema lui-même, ce merveilleux faiseur de feuilles, ont-ils mieux compris la nature? Qu'ont-ils fait de plus vrai, de plus mystérieux, de plus rêveur que cet intérieur de forêt?... » Nous ajouterons que ce paysage fait penser aux fonds des œuvres lombardes de la même époque, avec ses lointains bleuâtres et accidentés; nous verrons désormais se multiplier dans l'art flamand ce décor de roches lointaines et azurées dont la formule est empruntée à l'art italien. Certains croient reconnaître la main de Joachim Patenier dans ce paysage du retable de Jean des Trompes ; mais l'unité technique de l'œuvre contredit cette opinion. Pourtant le site est d'un maître qui individualise les arbres, les terrains, les plantes, tandis que les figures, par leur disposition tout au moins, laissent entrevoir un souci nouveau de style. Gérard David suivait le courant qui exigeait plus de ressemblance dans l'image