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148 LES PRIMITIFS FLAMANDS

aux dernières années de Memlinc. Et Mantegna plus que Crivelli se reconnaîtrait dans ces éléments décoratifs. Les écussons peints au-dessus des guirlandes sont ceux de Philippe le Beau et de Jeanne d'Aragon.

L'autre tableau (Fig. CXIII) représente le supplice de Sisamnès et c'est une terrible scène d'écorchement. « Sisamnès, un des juges royaux, ayant rendu un juge- ment inique pour une affaire d'argent, raconte Hérodote, le roi Cambyse le fit égorger et écorcher; puis il ordonna de couper des lanières de sa peau et il en fit tendre le siège sur lequel s'asseyait Sisamnès lorsqu'il rendait ses jugements. Cambyse nomma juge le fils de Sisamnès, à la place de son père et lui recommanda de se rappeler celui sur le siège duquel il jugeait » (t). Non loin de la galerie ouverte où il a été saisi et où reparaissent les amoretti et les guirlandes mantegnesques, le juge est étendu nu sur la table du supplice, le pied et le bras droits attachés par des cordes, la poitrine calée par des pitons de fer plantés aux aisselles. Quatre hommes procèdent à 1 écorchement ; les muscles de la jambe gauche sont à vif et le bourreau, couteau dans les dents, retourne la peau du pied comme on ferait d'un gant. Tout cela est peint avec un réalisme précis et cruel par un artiste que son instinct destinait à l'interprétation des plus saintes béatitudes. Mais telle était la conscience d'alors et la simplicité des peintres de ce temps qu ils mettaient autant de justesse à peindre les scènes horribles qu'à traduire les émotions et les douceurs du mysti- cisme. Avec plus de virtuosité, mais avec une même égalité d'âme, Gérard David renouvelle le paradoxe du religieux Thierry Bouts peignant le supplice de saint Erasme. Dans la galerie du fond, la peau de Sisamnès remplace sur le trône du juge le drap d'or que l'on voit dans le premier tableau et le fils de l'écorché est assis à la place de son père. Une dizaine de personnages entourent le nouveau juge qu'un plaideur placé devant une colonne de porphyre rouge se prépare, dirait-on, à corrompre car il porte la main à son escarcelle.

Les aspirations et les connaissances de Gérard David se manifestent plus claire- ment dans le Jugement. On songe encore à Thierry Bouts devant certains per- sonnages, mais l'unité de l'action est ici plus accentuée. Gérard David vise au grand style et il serait bien surprenant qu'il ne dût point à quelque influence méridionale l'ampleur nouvelle qu'il déploie dans l'art de la composition. Mais ses personnages, encore trop serrés, ont toujours les têtes au même niveau et à cet égard le peintre de la Légende de Sisamnès ne s'écarte point de la convention établie par Gérard de Saint-Jean dans ses beaux tableaux corporatifs du Musée de Vienne. Il est amusant de

(1) WsALE. Bruges el ses Environs, p. Sj-