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t32 I-ES PRIMITIFS FLAMANDS

Passion de Turin. On retrouve ces qualités dans V Adoration des "Rois du Prado connue sous le nom « d'autel portatif de Charles-Quint » qui reproduit le retable de l'Hôpital de Bruges avec quelques variantes (i). Memlinc est avant tout peintre de retables. Dans la version de Bruges comme dans celle de Madrid, sa fin dernière est la prière. Le triptyque de Jean Floreins est un acte de foi et l'on a fait remarquer que Memlinc y montre l'Enfant Jésus adoré lors de sa naissance par sa mère et les anges, lors de la Présentation au Temple par Siméon et Anne représentant les Juifs, et enfin dans la Crèche de Bethléem par les rois Mages incarnant les Gentils.

L'année 1480 est des plus importantes. Le nom de Memlinc apparaît pour la première fois dans le registre des peintres et on s'étonne de ne pas l'avoir rencontré plus tôt. De 1480 datent : le panneau des Sept Joies de la Vierge (Pinacothèque de Munich) donné par Pierre Bultinc à la corporation des Tanneurs de Bruges et d'un style identique à la Passion de Turin ; les Chevaux à l'Abreuvoir de la collection Cardon (fig. LXXXIX), délicieux fragments de triptyque, se retrouvent dans un des épisodes de ces Sept Joies ; le triptyque de la "Descente de Croix ( Hôpital de Bruges) commandé par Adrien Reyns, directeur de l'Hôpital, (œuvre d'authenticité douteuse à notre avis) (2) et dont les volets représentent Adrien Reyns et saint Adrien d'une part, sainte Barbe de l'autre, et au revers sainte Wilgeforte et sainte Marie l'Égyptienne; enfin, la Sibylle Sambeth (fig. LXXXI), de l'Hôpital de Bruges, qui n'a rien de sibyllin, ni d'allégorique et qui est tout simplement, croit-on, le portrait de Maria Moreel, fille de Guillaume Moreel et de Barbara de Vlaenderberghe. Répétons ici, pour montrer l'intérêt de cette œuvre, ce qu'en dit Karl VoU. La jeune fille porte, comme sa mère, un hennin orné d'un voile. Dans le portrait de Barbara l'étoffe transparente n'est sensible que par ses contours et par la blancheur plus prononcée des parties couvertes. Toute la vieille école traitait de la sorte le motif du voile. Pour la soi-disant Sibylle Sambeth le peintre, adoptant une manière plus picturale, ne distingue pour ainsi dire plus le voile de la tête et établit une relation étroite entre l'étoffe et les chairs. Memlinc ouvre ici le chemin aux techniciens du siècle futur et pour rendre la diaphanéité des tulles et des linons de Flandre, Quentin Metsys n'aura point de procédés plus modernes que ceux du portraitiste de Maria Moreel.

On groupe encore autour de l'année 1480 : le beau portrait d'homme glabre du Mauritshuys de la Haye, une belle et curieuse variante du Mariage mystique de

(1) Très beau tableau qu'on peut tenir pour un original sans admettre pour cela que le mage agenouillé soit Philippe le Bon et que le roi en costume de pourpre et d'hermine représente Charles le Téméraire. On place à présent l'exécution de cette réplique entre 1480 et 1485.

il) Une belle Pieià de la galerie privée du prince Doria (Rome) répète cette composition. Une troisième Pietà, d'un contemporain ou d'un disciple de Memlinc, est conservée dans la collection Frotti, à Paris.