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LES PRIMITIFS FLAMANDS tXS

Memlinc à ce moment. Tout porte à croire aussi que l'œuvre fut peinte à Bruges, — et non à Londres comme certains l'ont supposé. Sir John avait deux fils; l'aîné naquit en 1466. Si Memlinc avait vu ce bambin à Londres, il l'eût certainement fait figurer à genoux et mains jointes, derrière son père... Le maître s'appliqua de toute son âme à satisfaire son riche client d'outre-mer. L'unité de l'œuvre frappe fout d'abord les volets formant un tout organique avec la partie centrale. Les progrès de la perspective sont marquants et Memlinc ordonne ses figures en groupements plus harmonieux que Bouts; il associe en outre le paysage à la scène avec un goût discret, — ce qui ne veut pas dire que Memlinc, très complaisant aux formules pour ses sites de fond, soit un grand paysagiste. Il n'atteint pas sous ce rapport à la sincérité de Bouts. Ce dernier a dû l'attirer par le sentiment grave et individuel de ses figures ascétiques. Saint Jean l'Évangéliste, considéré du seul point de vue physique, pourrait se confondre avec les types créés par le portraiteur de Louvain. Mais l'expression du visage est autre et voici que se manifeste l'idéal de Memlinc. Très souvent le maître a transformé ses modèles en de pures âmes. Il l'a fait pour les deux saints Jean du triptyque de sir Donne ; il l'a fait pour le saint Christophe du revers, dont le beau visage devient, dans toutes les œuvres qui suivent, celui du disciple bien-aimé. Tout le triptyque respire une émotion douce et tendre; les donateurs vivent surtout par la grâce de leur sentiment; la symétrie ou plutôt le rythme de l'œuvre aide à créer cette gravité heureuse qui est comme l'image d'une âme très pure. Il a plu au maître d'habiller très élégam- ment cette image. La douceur intime et suave de Memlinc vient, dit-on, de Germanie ; son élégance , sa richesse , ses splendeurs lui viennent sûrement des Flandres, l'un des pays les plus opulents de la terre. Et dans cet heureux équilibre de nuances opposées on voit poindre imperceptiblement les dangers qui guettent le maître l'idéalisme continu pouvant conduire aux interprétations banales de la physionomie ; le goût des luxueux atours pouvant transformer ce peintre de l'âme en peintre de la mode.

Le portrait de Spinelli et le triptyque de Devonshire sont les premiers chefs- d'œuvre de Memlinc. Le portrait de Jeune Homme de l'Académie Carrare à Bergame, le Vieillard de la collection Oppenheim, la Tiaissance du Chrisl (?) de la galerie Clemens semblent d'une date un peu antérieure. En revanche, le Vieillard du Musée de Berlin et son pendant, le beau et expressif portrait de Vieille dame, jadis dans la la collection Nardus et actuellement au Louvre (je ne sais quelle mystérieuse corres- pondance rattache cette mélancolique figure de patricienne brugeotse aux décors décrits par Georges Rodcnbach) nous conduisent à l'année 1470, ainsi que le retable avec volets : le Christ au pied de la Croix (?) de la collection von Kauffmann à