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LES PRIMITIFS FLAMANDS

d'une façon spéciale l'illustre expert en lui envoyant un pot de vin du Rhin. Ce sont sans doute ces circonstances qui ont fait croire à certains critiques que le Martyre de saint Jiippolyte (voir pp. 84 et 85, fig. LV) conservé à la cathédrale de Saint-Sauveur à Bruges est une oeuvre laissée inachevée par Thierry Bouts et terminée par le moine-artiste de Rouge-Cloître. Van der Goes aurait peint les deux portraits si fermes et si élégants du donateur Hippolyle de Berthoz et de sa femme Elisabeth de Keverwick.

Le Musée de Bruges possède une oeuvre assez considérable attribuée presque unanimement aujourd'hui à van der Goes : La Mort de la Vierge (fig. LXVIl). C'est un tableau d'un coloris bleu froid et qu'il n'est plus guère possible d'apprécier au point de vue technique, les glacis ayant disparu à la suite d'une restauration désas- treuse. L'expression tourmentée des personnages frappe avant tout; les figures, les mains des apôtres rangés autour du lit de la Vierge, s'agitent sans mesure ; la morte est dépourvue de sérénité. On ne saurait considérer cette oeuvre avec tranquillité, et on en a conclu que van der Goes l'avait exécutée au moment où définitivement la folie le maîtrisait... La composition de toutes manières a de l'ampleur et garde dans la fébrilité des gestes et des visages, je ne sais quelle grandeur de mise en page et d'émotion mystique (t).

Nous avons vu dans la chronique de Rougc-Cloître que " Hugues excellait à peindre le portrait ». On lui en attribue aux Musées de Venise, des Offices, au château d'Holgrood (volets de retable, avec les portraits en pied du roi et de la reine d'Ecosse), dans les collections Goldschmidt à Paris, dans la collection Cardon à Bruxelles (fig. LXVIII, jeune femme coiffée d'un hennin et peinte avec une très grande sobriété). Le beau portrait de Philippe de Croy, seigneur de Sempy, au musée d'Anvers (Fig. LXIX) porte un monogramme qui se compose, croit-on, des lettres H. P. (Hugo pinxit?)- L'œuvre est généralement donnée à Hugo van der Goes. On la tenait autrefois pour le portrait de Thomas Porlinari, peint par Memlinc (2). Le personnage représenté a grande allure en son pourpoint de velours pourpre relevé d'une mince chaîne d'or. La physionomie, — Jean Lemaire en aurait admiré les tretz

(1) M. Fricdlànder prétend que la I^ort de /j "Vierge est particulièrement bien conservée, que les tons bleus ne sont pas falsifiés(?) 11 ajoute que par la profondeur de l'émoMon, la variété des geste:^, la maîtrise du dessin, l'intelligence de la structure du corps, la beauté de l'effet dramatique, cette oeuvre est au premier rang des productions de l'art néerlandais. Il y a, pensons- nous, quelque exagération dans ces éloges. L'œuvre a été mal restaurée en iS6S par un certain Callewaert. Une autre MorI de Marie attribuée à van der Goes est dans la collection Rudolf à Prague. Cf. J. Weale. Burlington Magazine t, I. 326.

(2) C'est M. A.-J. Wauters qui a restitué ce portrait à van der Goes. Avec le concours de M. Barbeau, archiviste- paléographe de la ntaison de Croy au Rœulx, M. Poi de Mont a établi que le personnage représenté était Philippe de Croy, M. de Mont ne se rallie pas a l'opinion de M. A.-J. Wauters quant à l'attribution du portrait à Hugo van der Goes. Cf. "Les Ci>e/s-(i'teuure anciens à l'Exposition de la Toison ti'or. Van Oest, Bruxelles, 1908, pp. 17. 18, 19.