Page:Fierens-Gevaert - La Peinture en Belgique, volume 1.djvu/202

Cette page n’a pas encore été corrigée

98

LES PRIMITIFS FLAMANDS

à van dcr Gocs par l'agent des Médicis à Bruges, Tomaso Porlinari, le retable fut envoyé à Florence et placé dans la chapelle de Sainte-Marie-Nouvelle, où nous l'avons encore vu en 1897, l'année même où le gouvernement italien en fit l'acqui- sition, au prix de 900,000 lires, pour le placer aux Offices. Dans la première édition de ses Vite, Vasari signale van der Goes et son chef-d'œuvre : Vgo d'Anversa che fe la lavola di Santa Maria di Fiorenza (i). La peinture florentine de la fin du xv' siècle témoigne de la prodigieuse impression du retable en Italie. N'était-ce point, d'ailleurs, le goût florentin qui avait suscité cette admirable création des Flandres et ne devons- nous pas une très vive reconnaissance au Mécène qui la provoqua ? Le grand sou- venir de Tomaso Portinari s'impose à l'esprit du promeneur averti qui visite à Bruges le bel hôtel de Pierre Bladelin (transformé aujourd'hui en couvent), où le célèbre donateur habitait en i479> 2* 's belle église Saint-Jacques qu'il modifia et combla de ses dons artistiques (2). Une Descente de croix de van der Goes, qui décora le maître-autel de Saint-Jacques jusqu'en 1789, et que Diirer mentionne dans son journal à la date du 8 avril iSzi, était peut-être bien aussi un témoignage de la sûre munificence de Portinari (3). Faut-il s'étonner de l'extrême importance sociale de ce dernier? Lors du mariage de Charles le Téméraire, Messire Tomaso chevaucha en tête de la nation des Florentins, dans le cortège qui conduisit le duc et la duchesse à l'église Notre-Dame. Il portait le costume de conseiller du duc et parmi les étran- gers nul n'égalait son opulence. « Les serviteurs et facteurs des Médicis, dit Comines, ont eu tant de crédit, soubs couleur de ce nom de Médicis, que ce serait merveilles à croire, à ce que j'en ay vu en Flandres et en Angleterre... J'en ay vu un, nommé et appelé Thomas Portunary, eslre plcige entre le dix roy Edouard et le duc Charles de Bourgongne, pour cinquante mille escus, et une autre fois, en un lieu, pour quatre-vingt mille (4) ". Thomas Portinari était le descendant direct de Folco Porti- nari, père de la divine Béatrice et fondateur de Santa-Maria-Nuova, à Florence, en 1285. Folco légua à sa famille le patronage de cette fondation, et c'est pour enrichir d'un trésor inestimable la petite chapelle de Sainte-Marie-Nouvelle que Thomas com- manda à Hugo van der Goes un triptyque considérable. On aime à penser qu'au

(1) Édition de iSSu.

(ï) Cf. WsALE, Suide de Bruges, pp. ii3 et ii3.

(3) Van Mander signale l'œuvre en question comme étant un Crucifiement et représentant le Christ entre les deux larrons. On ne saurait donc l'identifier avec la Descente de croix dont la toile d'Oxford est un fragment. Le tableau de Saint'.Jacques fut épargné en i566 par les iconoclastes. Quand le prêtre calviniste prêcha dans l'église Saint.'Jacques, on mit une couche de couleur noire sur le tableau et on y inscrivit les dix commandements. L'église ayant été rendue au culte catholique, te panneau fut nettoyé et on retrouva fort heureusement l'œuvre du maître. Selon Sanderus et Descamps, le tableau — qui a disparu — représentait une Descente de croix.

(4) Ph. dk CortiNKs, Mémoires, liv. VII, ch. V, éd. Huchon. 1S41, p. 198.