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LES PRIMITIFS FLAMANDS ÇS

bêtes que j'ai fait tuer pour ceux qui tondent mes brebis, et je les donnerai à des gens que je ne connais point ! » Et David ordonna à ses partisans de s'armer el tous se dirigèrent vers le Carmel où habitait Nabal " homme dur, méchant et très cruel ». Mais sa femme Abigaïl " très prudente et fort belle • vint au devant de la petite armée avec de nombreux vivres et réussit à apaiser David. Dix jours après, le Sei- gneur frappa Nabal, et il mourut. Et David, ayant appris la mort de Nabal, dit : « Béni soit le Seigneur, qui m'a vengé de la manière outrageante dont Nabal m'avait traité, qui a préservé son serviteur du mal qu'il était près de faire, et a fait retomber l'iniquité de Nabal sur sa tête. '> Cependant, David envoya vers Abigaïl, el lui fit parler pour la demander en mariage. Les gens de David vinrent la trouver sur le Carmel et lui dirent : « David nous a envoyés vers vous pour vous témoigner qu'il souhaite de vous épouser ». Abigaïl aussitôt se prosterna jusqu'à terre et dit : « Votre servante serait trop heureuse d'être employée à laver les pieds des serviteurs de mon seigneur. » Et se levant promptement, elle monta sur un âne ; el cinq filles qui la servaient allèrent avec elle. Elle suivit les gens de David,' et elle l'épousa (i).

La copie du Musée des Arts décoratifs de Bruxelles, que nous reproduisons (Fig. LXIV), laisse deviner le charme déployé par van der Goes dans cette belle histoire. Par la grâce des figures féminines, la noblesse et la piété des person- nages masculins, par l'ampleur du paysage et le pittoresque des costumes, le récit biblique s'est transformé en un conte de chevalerie où flottent la rêverie et l'idéal du moyen âge. Les diverses scènes de l'histoire sont représentées dans la même compo- sition. Au fond à gauche, les serviteurs de Nabal tondent les brebis de leur maître, et à voir la copie on peut encore facilement imaginer à quel point la rusticité savou- reuse des Flandres animait ce coin boisé du Carmel. Vêtu d'une longue simarre et coiffé d'un chaperon, Nabal reçoit les envoyés de David et ceux-ci, à droite du fond, s'agenouillent devant leur seigneur pour lui faire récit de leur ambassade. Alors David dit à ses gens : «Que chacun prenne son épée». Tous prirent leurs èpées, lit-on dans les Uois et David prit aussi la sienne. Mais les quatre cents guerriers de la Bible ne sont plus que cinq ou six dans l'œuvre de van der Goes, et ce sont « gentils coureurs de lances », porteurs de pennons et d'oriflammes, figures de vieilles chroniques el de chansons de geste, héros vêtus avec cette splendeur qui émerveillait les historiens bourguignons racontant les tournois et joules de Flandre et de Brabant. David est à leur lêle, monté sur un cheval noir et suivi de son page. Et l'on songe à Lohengrin et à Parsifal.

(i) Cf. La Sainte Bible Induite pir Lcmaiilrc d< Sacy pour l'AncUn Tutanwnl. I. II. ttt Hiti Livre I. ch. XXV,

p. 60 el «uivanlee. Parie, Curmer.