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volutes chères aux sculpteurs maniéristes du temps. Et si vraiment, comme on est de plus en plus tenté de le croire, les deux grisailles initiales du Psautier de la Bibliothèque royale de Bruxelles (Très belles heures très richement enluminées du duc de Berry) sont de Jacquemard de Hesdin et non de Beauneveu, c’est tout de même l’idéal éclectique de ce dernier — multiplication des volutes dans le manteau de la Madone, recherche de la vérité dans le portrait du duc, siège italien — qui apparaît dans ces grisailles représentant l’une la Vierge et l’Enfant, l’autre le Duc de Berry et ses deux patrons (Fig. I).

Or, cet éclectisme est précisément ce qui, à notre sens, caractérise certaines peintures marquantes de l’école parisienne de la fin du XIVe siècle, telles que le Parement de Narbonne (Musée du Louvre). On peut dire que Melchior Broederlam échappe à cette formule composite à force d’italianisme ; on en peut dire à peu près autant du beau peintre à qui l’on doit la Pietà du Louvre (Jean Malouel ?) où le visage douloureux du Christ rappelle les têtes du Sauveur conçues par Beauneveu, et dont le coloris et le style font invinciblement penser à Sienne et surtout à Simone di Martino, impression que fortifie l’obliquité des sourcils de la Vierge et des Anges. Cet éclectisme de la peinture septentrionale de la fin du XIVe siècle, où les mièvreries de la décadence gothique se combinent avec les premières recherches du réalisme, garde donc à sa base l’enseignement de l’Italie trecentiste.

Une influence italienne très sensible se perçoit encore dans les dix-huit compositions des Très belles heures de la Bibliothèque de Bruxelles qui suivent les compositions initiales de Jacquemard de Hesdin (Fig. II et III]). Mais déjà par le développement donné au paysage, par l’animation des fonds urbains ou champêtres, par la variété des types, on sent un maître impatient de proclamer son sentiment de la nature. Dès lors les miniaturistes rompent avec l’éclectisme et les archaïsmes du XIVe siècle ; ils substituent des paysages aux fonds d’or, groupent, animent, habillent leurs personnages avec plus de réalité, introduisent dans leurs compositions l’air, l’espace, la lumière et « crèvent la toile du fond » (P. Durrieu). L’œuvre qui annonce d’une façon décisive l’avènement des van Eyck, c’est la première partie — commencée sous Jean de Berry et arrêtée à sa mort le 15 juin 1416 — du manuscrit conservé à Chantilly et désigné sous le nom de : Très riches heures du duc de Berry. Elle aurait pour auteurs (suivant M. L. Delisle) les pères Pol, Jannequin et Hermann de Limbourg, et aussi (suivant M. de Mély) un peintre de la Cour de Bourgogne, Henry Bellechose successeur de Jean Malouel à Dijon, et un orfèvre au service de Jean de Berry, Hermann Rust. C’est Pol de Limbourg qui fut, semble-t-il, la personnalité la plus marquée du groupe. C’est à lui sans doute qu’il faut attribuer les trois pages incom-