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second mariage, le 6 mai 1475 d’après Molanus. Il vivait encore le 30 avril 1476 ; ses filles furent, à ce moment, « dotées d’une rente qui devait servir à leur entretien au couvent[1] ». Trois jours avant, le 27 avril 1475, le testament du maître avait été reçu par le notaire public, Jean Amelen. L’artiste y favorisait autant que possible Elisabeth van Voshem… Nous ne chercherons pas à tirer des commentaires de ces circonstances. Comme Jean van Eyck, comme Rubens, Thierry Bouts vit ses dernières années éclairées de l’amour d’une jeune femme. Mais tenons pour assuré que sa vie privée fut scrupuleuse comme son art ; si nous ne devinions le caractère du maître à travers des documents, nous pourrions le lire à travers sa peinture. Sans faste inutile, sans grands élans tragiques, celle-ci n’est-elle pas faite de probité, de sincérité et d’une impeccabilité telle qu’on y sent la plus religieuse des consciences ? Son coloris contenu, de qualité rare, ne veut point recourir aux ors, aux nimbes, aux accessoires brillants. Son art n’est ni somptueux, ni princier, ni passionné. Comme celui du grand florentin Ghirlandajo, il revêt un caractère d’austérité bourgeoise. On a souligné avec d’autant plus d’insistance le flegme de ses personnages, qu’on a tenté de détacher Bouts de l’école flamande pour en faire un maître hollandais[2]. Mais ses figures — où les hommes l’emportent en nombre et en intérêt — n’ont point l’impassibilité que l’on dit. Leur beauté ou leur signification morale est seulement contenue, tout comme l’émotion de l’artiste. Il s’agit de découvrir l’une et l’autre. Quant à l’expression de la couleur, la vérité nouvelle de la lumière, le sens profond du paysage, — ce sont des mérites incontestables chez le peintre de Louvain — Ils expliquent la grande influence de Thierry Bouts sur Memlinc, Gérard David, Quentin Metsys, le maître de la Mort de Marie, son prestige sur les Renaissants du xvie siècle et l’admiration de plus en plus sérieuse de la critique contemporaine pour son génie.

  1. Elles étaient entrées au couvent de Sainte-Agnès. Cf. Van Even : Thierry Bouts, p. 19.
  2. Karl Voll, Paul Heiland notamment.